Blogue d’invité de Claire Speed et Ian Ritchie.
« La musique et le rythme font leur chemin vers les coins secrets de l’âme » Platon
En juin 2019, deux conférences nationales ont eu lieu à Ottawa durant la même période de deux jours. L’une portait sur les connexions en santé communautaire et l’autre, sur l’orchestre du 21e siècle. À première vue, elles ne semblaient rien avoir en commun. L’une traitait de santé, l’autre, des arts. Pourtant, elles avaient un but en commun : créer des communautés plus saines, plus inclusives.

Nous n’avons jamais douté du pouvoir curatif des arts, mais leur valeur n’a jamais été pleinement réalisée ni adoptée. Cette attitude pourrait toutefois être en voie de changer. On constate un mouvement croissant, au Canada et à l’échelle mondiale, visant à sensibiliser les politiciens et le milieu médical au potentiel de guérison des arts : « Le pouvoir de la musique d’intégrer et de guérir… est fondamental. Elle constitue le médicament non chimique le plus profond. » (Oliver Sacks, L’éveil). Les pénuries de fonds ont obligé certains gouvernements à modifier leur manière d’envisager la prestation des soins de santé, délaissant les soins hospitaliers et la sur-prescription de médicaments en faveur de l’autogestion de la santé davantage centrée sur le patient. Comme on peut le lire dans un rapport de 2017 du Groupe parlementaire de tous les partis sur les arts, la santé et le bien-être du Royaume-Uni « près du cinquième des patients voient un omnipraticien pour un problème qui requiert une solution sociale. » Face à cette situation, certains intervenants en soins primaires adoptent maintenant une approche plus proactive en recourant à la prescription sociale, « un effort de co-création entre un fournisseur de soins de santé et un patient qui reconnaît les atouts, intérêts et besoins en santé du patient et y répond » (La prescription sociale en Ontario : Rapport d’étape). La prescription sociale ne vise donc pas actuellement à remplacer les principales composantes de la médicine primaire, mais bien à les compléter.
Bien que les bons professionnels de la santé au Canada se livrent à ce genre de démarche depuis des décennies, le mouvement de la prescription sociale a importé la terminologie et l’élan du Royaume-Uni au Canada, et en particulier en Ontario, grâce à un projet financé par le ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée et piloté par l’Alliance pour des communautés en santé, un réseau d’organisations de soins primaires régies par la communauté qui inclut les Centres de santé communautaires (CSC). L’Alliance a présenté des séances sur la prescription sociale aux deux conférences nationales qui ont eu lieu à Ottawa en juin dernier. En ce qui concerne les orchestres, il nous semblerait normal qu’ils élargissent leur mandat (et leurs sources de financement) pour inclure la santé et le bien-être, tout comme ils le font depuis de nombreuses années en matière d’éducation : cela créerait de nouvelles occasions de déployer le pouvoir de la musique auprès d’un public plus vaste que celui des salles de concert et des établissements d’apprentissage pour englober l’ensemble de l’expérience humaine, depuis les nouveau-nés jusqu’aux personnes qui reçoivent des soins palliatifs. Il existe à première vue peu de moyens évidents que les orchestres peuvent employer pour s’investir dans la prescription sociale en dehors du bénévolat, comme cela se fait déjà, ou par l’envoi de billets gratuits qui donnent la chance d’assister à des concerts. En ciblant et en traitant le public correctement, cela peut s’inscrire dans le modèle actuel de la prescription sociale.

Durant la séance consacrée à la prescription sociale et aux orchestres qui faisait partie de la conférence d’Orchestres Canada, Sonia Hsiung, qui mène l’initiative ontarienne à l’Alliance pour des communautés en santé, a lancé la question : « Comment voyez-vous le rôle des orchestres dans la démarche visant à améliorer le bien-être et à créer un sentiment d’appartenance à la communauté? » On a présenté aux participants aux deux conférences de juin des exemples de partenariats fructueux entre le milieu des arts et les CSC. Les responsables du programme de gestion de la douleur chronique du CSC de South Riverdale, en partenariat avec la Galerie d’art de l’Ontario, offrent une formation permettant à des ambassadeurs communautaires de mener des visites de la galerie et des ateliers d’art, « centrés sur la santé et le bien-être en vue d’appuyer l’autogestion et un mode de vie sain », auprès de personnes ayant un vécu semblable. Pourquoi les orchestres canadiens ne pourraient-ils pas concevoir des initiatives communautaires analogues avec les fournisseurs de soins de santé d’une localité en vue de faciliter l’accès de ceux et celles qui font face à des obstacles sociaux et en matière de santé et qui ne peuvent pas normalement assister à des concerts? Ou pourquoi les programmes de guide-interprète offerts par le comité de bénévolat d’un orchestre ne pourraient-ils pas inclure des clients des CSC qui manifestent un amour pour les enfants et qui pourraient prêter main-forte durant les activités préalables aux concerts-famille? Avec la volonté suffisante et le soutien voulu, de nombreux autres partenariats novateurs comme celui de Toronto pourraient être mis à l’essai.
Selon nous, on peut visualiser la relation entre d’une part la musique et d’autre part la santé et le bien-être comme quatre cercles qui se chevauchent – la « musicothérapie », la « musique comme médicament », la « musique comme forme de soin » et la « musique dans la communauté ». Les divers bienfaits que la musique et les arts peuvent procurer à la société, sur les plans de la santé, du bien-être, des soins et de la vie communautaire, semblent indiquer que notre profession ne devrait pas uniquement compter sur les apports culturels de recettes, publics ou privés, mais aussi bénéficier d’une reconnaissance financière de la part des fournisseurs de services d’éducation, de soins de santé et de bien-être social. Une approche de financement plus holistique et intégrée enrichirait tous les domaines de travail interreliés.
Cela mène naturellement à penser que la prescription sociale – actuellement considérée comme un bon complément social et communautaire de la pratique clinique, bien qu’elle dépende essentiellement d’occasions artistiques et sociales bénévoles ou bénéficiant d’une enveloppe budgétaire unique – pourrait un jour être sur un pied d’égalité avec la prescription pharmaceutique pour son impact sur la santé et être intégrée au système officiel des soins de santé. L’annonce par le gouvernement britannique, en octobre, d’une aide financière destinée à une nouvelle académie de la prescription sociale, ayant pour mission de réglementer la prestation des services en question et de mettre ceux-ci à la disposition de tous les patients au pays, constitue un pas dans la bonne voie. Le rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur « le rôle des arts dans l’amélioration de la santé et du bien-être » est aussi encourageant. L’Ontario et d’autres provinces pourraient éventuellement être les prochaines sphères de compétence à adopter la prescription sociale pour tous les patients. D’ici là, nous pouvons chercher des occasions de faire front commun, d’essayer différentes démarches, de mener des projets de démonstration et de faire valoir le pouvoir curatif de la musique et des arts.
La santé et le bien-être sont à la fois des enjeux locaux et mondiaux. Dans les cultures traditionnelles, les remèdes médicaux ont toujours été cultivés et obtenus localement. En ce qui concerne les arts, leur succès international sur les plans de la création et de la conservation dépend normalement de la force des origines et de l’identité locales des œuvres et de leurs créateurs. Les activités et réseaux favorables à la prescription sociale – et au recoupement entre les arts, la santé et le bien-être en général – continueront donc à se développer à l’échelon local et à se propager au-delà des frontières : le monde est notre nous et vice versa.
Ian Ritchie vit à Londres et est directeur artistique du festival de musique de Setubal et de The Musical Brain, en plus d’être coprésident de Music Action International. Claire Speed vit à Ottawa; elle est consultante indépendante et facilitatrice pour les arts, la santé et la collectivité.
Ian et Claire s’emploient à établir Musico-Nexus, une entité internationale ayant pour mission de créer des projets, d’organiser des événements et de mettre en place des réseaux qui appuient la contribution puissante et enrichissante de la musique à la santé et au bien-être individuels, à l’inclusion sociale et à la pratique interdisciplinaire. Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec [email protected].

Lettre d’
Je préconiserais l’établissement d’« orchestres » de jeunes « ouverts », communautaires et socialement inclusifs, en partenariat avec des orchestres professionnels à l’échelle du Canada, comme réponse stratégique et pratique aux revendications exigeantes et catégoriques incluses dans le rapport. Ces orchestres seraient inspirés du modèle du Setúbal Youth Ensemble que j’ai développé au cours des cinq dernières années dans le cadre de mon festival de musique au Portugal. En bref, grâce à un processus d’auditions ouvertes excluant toute hypothèse quant à une structure orchestrale eurocentrique, l’Ensemble résultant a permis de recruter et de conserver environ le quart de ses membres auprès de groupes de tradition auditive, venant de la population locale d’immigrants des anciennes colonies portugaises d’Afrique et d’Amérique du Sud, et un autre quart composé de jeunes à besoins spéciaux et aux prises avec diverses incapacités, tandis qu’environ la moitié des membres viennent du milieu traditionnel de l’éducation musicale, tous étant choisis en raison de leur talent. Comme l’instrumentation dépend des jeunes musiciens retenus plutôt que l’inverse, il n’y a pas de répertoire standard. Toute la musique de l’Ensemble doit donc être spécialement composée ou arrangée pour le groupe : cela a créé des occasions de création uniques pour une génération nouvelle de compositeurs et nécessité des combinaisons inhabituelles d’instruments (y compris l’utilisation de la technologie accessible, au besoin) et l’invention de notations spéciales pour permettre la participation des membres incapables de lire la langue musicale traditionnelle. Cet Ensemble est « l’orchestre de jeunes » officiel de Setúbal.
On semble de plus en plus conscient, ces dernières années, du besoin de rendre les arts et la musique plus accessibles pour la communauté à besoins spéciaux. La musique s’inscrit dans l’expérience humaine, et tous ont le droit d’en profiter. Mais les concerts traditionnels posent des obstacles parfois difficiles à surmonter : éclairage intense, sonorité forte, coût élevé, et règles d’étiquette et normes de comportement qui peuvent rendre l’assistance à un concert orchestral impossible pour beaucoup de personnes ayant des besoins spéciaux. Il faut aussi reconnaître la rareté et le faible nombre des possibilités d’éducation artistique vraiment accessibles. L’accessibilité physique ne constitue qu’un élément du problème; la vraie accessibilité suppose d’éliminer tous les obstacles, ce qui exige de la créativité de la part des organismes artistiques.
La participation à des interprétations musicales et à des concerts accessibles procure des avantages qui dépassent le strict cadre de la musique. La participation à un programme musical adapté accessible peut faciliter le développement des compétences sociales en encourageant l’intervention à tour de rôle et les rapports avec les pairs. La stimulation sensorielle que suscitent le jeu d’un instrument et l’écoute de la musique dans un environnement contrôlé peut favoriser l’autoréglementation et promouvoir le bien-être. Pour les parents dont les enfants ont des besoins spéciaux, l’occasion de prendre part à une activité artistique d’une manière facile pour leur enfant est inestimable.
Dans le cadre de la
Comment ce travail a-t-il changé au fil du temps ? « Il évolue. Je fais ce travail depuis 1982, affirme Donna. À cette époque, nous n’avions pas les mots pour décrire le manque de diversité au sein du public, mais une conversation était amorcée. » Il a fallu un certain temps pour que les organismes réagissent à ce qu’ils entendaient. Dans les années 1990, on a commencé à parler de développement des publics, et certaines fondations ont commencé à y consacrer des fonds. Avec le temps, on a fini par associer cette expression aux ventes, au développement des publics pour qu’ils achètent des billets. L’expression engagement communautaire correspondait à l’étape suivante. « Il faut tout d’abord cultiver la communauté, signale Donna, pour qu’elle s’intéresse à ce que nous faisons. »
Le mot « numérique » provoque un vaste éventail de réactions de la part des administrateurs des arts, allant de cris de joie à… de simples cris. Que le numérique avec un grand « N » fasse partie de l’ADN de votre organisme ou qu’il s’agisse simplement de l’apanage, selon vous, des milléniaux qui font partie de votre personnel, il ne fait aucun doute que les orchestres communiquent avec leurs publics sur des plateformes numériques sous des formes à la fois nouvelles, passionnantes et alarmantes. En préparation pour notre
Bien que ce ne soit pas d’hier que nous parlons d’intégrer les technologies numériques dans nos organismes artistiques, notre manière d’en parler doit changer. « Le mot “numérique”, dit Fiona, est un de ces mots de notre temps. Il a le malheur de pousser les gens à se sentir inadéquats. Peu importe qu’on en connaisse le sens parce que vraiment il ne veut rien dire du tout. » On tend à l’utiliser comme un mot passe-partout pour décrire toute activité en ligne, sans toujours savoir ce que cela signifie. Les orchestres veulent être numériquement actifs, mais cela ne se résume pas à faire la diffusion continue en direct de tout ce qu’ils font. Il faut choisir stratégiquement ce que l’on présente en ligne pour que notre temps et notre argent, deux denrées limitées, aient le plus d’impact possible.

Nina Simon, directrice générale du Santa Cruz Museum of Art and History, et fondatrice du mouvement OF/BY/FOR ALL. Nina se concentrera sur les risques et avantages d’amener les communautés à s’impliquer plus étroitement avec nos institutions et elle présentera le mouvement Of/By/For All, comme un « nouveau mouvement mondial et une trousse à outils visant à aider votre organisme à devenir un élément de/par/pour la communauté. » Dans son atelier, elle explorera les communautés que vous desservez actuellement et celles que vous voudriez rejoindre et proposera des outils que vous pouvez utiliser pour discuter avec votre conseil d’administration et vos collègues de nouvelles possibilités d’impliquer la communauté pour renforcer l’impact de votre organisme.
Donna Walker-Kuhne, conseillère principale, Implication communautaire, au New Jersey Performing Arts Center et fondatrice du Walker International Communications Group. Donna décrira des pratiques exemplaires dans le domaine de l’implication communautaire en s’attachant à des études de cas internationales et en discutant des mesures de réussite pour les programmes d’implication communautaire. Elle présentera également des stratégies tangibles pour attirer et accroître un public multiculturel dans le domaine des arts ; elle examinera les tendances nationales en ce qui a trait au recrutement de communautés diversifiées, aux conséquences de l’immigration et à l’impact de la presse et de la publicité.