Le pouvoir des expériences vécues : Réponses artistiques à la crise climatique

Le 2 juin dernier, la Soulpepper Theatre Company, PACT et ARCA ont organisé « Les séances vertes : une journée d’apprentissage ». Le personnel d’OC y a assisté et a été époustouflé! En explorant et contextualisant les conséquences des objectifs de développement durable des Nations Unies pour les orchestres canadiens, selon le cadre stratégique envisagé par OC pour la période 2021-2024, cet après-midi d’apprentissage nous a amenés à réfléchir à une question clé : qu’est-ce que nos réponses artistiques à la crise climatique pourraient accomplir?
 

Les séances vertes : une journée d’apprentissage comprenait des plénières avec des conférenciers renommés et un certain nombre d’ateliers visant à explorer des aspects particuliers de l’urgence climatique. Les conférenciers incluaient Melina Laboucan-Massimo, the Hon. Steven Guilbeault, Jesse Wente, Seth Klein, Annamie Paul, Dale Marshall, Kendra Falconi, David Maggs, Carolynne Crawley, Alanna Mitchell, Toby Heaps, Matt Millares, Gabrielle Bastien, Batul Gulamhusein et Emma Stenning.  

Voici quelques-uns des enseignements à retenir : 

Visions du monde autochtones à l’avant-plan 

La journée a commencé par une présentation bien sentie de Melina Laboucan-Massimo (fondatrice de Sacred Earth Solar et cofondatrice de l’Indigenous Climate Action). Sa communauté d’attache est la Première Nation crie du Lac-Lubicon à Little Buffalo, en Alberta, située au cœur de la forêt boréale et des sables bitumineux de l’Alberta. Melina a insisté, comme moyen d’aborder la crise climatique, sur le pouvoir des visions du monde autochtones, valorisant la réciprocité avec la Terre mère, ainsi que la gouvernance et les structures de soin collectives. Elle a aussi traité de l’impact du traumatisme intergénérationnel sur les membres des Premières Nations résultant du racisme environnemental (comme un déversement d’hydrocarbures dans la communauté de Melina), de l’expérience des pensionnats et de siècles de colonialisme. Au Canada, pour les peuples autochtones, les génocides culturel et environnemental sont liés, étant donné que la destruction continue des terres ou l’évacuation des peuples autochtones de leurs terres contribuent aussi à détruire les modes de vie autochtones. Dans la lutte pour la justice climatique, il faut impérativement reconnaître le pouvoir des visions du monde autochtones pour éclairer les voies d’avenir et venir à bout de la douleur, de l’épuisement et du traumatisme auxquels les communautés autochtones font face dans le contexte du colonialisme. Orchestres Canada reste solidaire avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis sur la ligne de front de la lutte pour la justice environnementale.  

Pour écouter le discours thème de Melina, « Indigenous Issues and the Climate Emergency », cliquer ici 

 

La superpuissance de la narration : inspirer l’action et le changement 

Dans son discours thème, l’hon. Steven Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien, s’est inspiré de son expérience de travail en activisme environnemental avant son élection à la Chambre des communes. Il a fait observer que les communications au sujet du climat centrées sur des statistiques désastreuses ou des visions apocalyptiques avaient leurs limites et s’est dit persuadé du lien entre les arts et une nouvelle vague de communications plus efficaces au sujet du climat visant à susciter de l’espoir menant à l’action. 

Dans son discours, le président du Conseil des arts du Canada, Jesse Wente, a insisté quant à lui sur le pouvoir de l’art de « libérer notre imagination » pour nous permettre d’envisager un avenir meilleur que ce que le capitalisme et le colonialisme offrent actuellement sur les plans social et environnemental. Il a en outre fait valoir que la narration était « résistante aux crises » en ce  sens que, comme artistes, nous avons le pouvoir, à tout moment, de redéfinir et rehausser le profil de l’urgence climatique, à l’intérieur et au-delà de notre secteur. Nous pouvons utiliser l’art pour communiquer et vivifier l’urgence actuelle et nos avenirs, pour mobiliser les communautés et pour favoriser une nouvelle réflexion sur nos relations actuelles et futures avec la Terre. Grâce à des partenariats avec des scientifiques et des organismes environnementaux, par exemple, The Only Animal emploie le théâtre pour susciter une « histoire d’amour » entre le public et le monde naturel.  

Pour écouter le discours thème du ministre Guilbeault, « The Climate Emergency and Politics » cliquer ici 

Pour écouter le discours thème de Jesse,  «The Climate Emergency and Culture », cliquer ici
 

Se rallier autour de l’urgence 

Dans son discours thème, l’auteur Seth Klein a repris les arguments qu’il défend dans son livre, A Good War: Mobilizing Canada for the Climate Emergency, et fait le lien entre les leçons tirées de la mobilisation générale autour de la Seconde Guerre mondiale et la crise climatique actuelle. Toute mobilisation générale a besoin des arts! Durant la Seconde Guerre mondiale, par exemple, les artistes ont joué un rôle critique en aidant à vendre des obligations pour financer la guerre, en créant des peintures de la ligne de front et en produisant une musique pertinente. À cette époque, l’art et l’espoir se sont unis pour motiver la population face à un énorme défi.  

Seth soutient qu’avant de passer en « mode d’urgence » face à une crise, les sociétés traversent ordinairement une période de déni (vous connaissez peut-être ce défi sur le plan climatique…). Selon Seth, les quatre indicateurs du passage en mode d’urgence du gouvernement sont les suivants :  

  • Dépenser n’importe quel montant afin de « gagner »; 
  • Créer de nouvelles institutions pour produire des résultats; 
  • Transformer des politiques facultatives ou basées sur des incitatifs en mesures obligatoires; 
  • Dire la vérité pour communiquer le sentiment d’urgence. 

Jusqu’à maintenant, aucun parti politique canadien ne coche les quatre indicateurs liés à l’urgence climatique. Prenons, aux fins de comparaison, la pandémie de la COVID-19; les quatre indicateurs ont été atteints très rapidement au Canada!  Selon le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) le gouvernement dépense 5 milliards de dollars par année au chapitre de l’urgence climatique, mais 5 milliards de dollars par semaine à celui de la pandémie. Le gouvernement a dépensé des sommes faramineuses pour protéger la population contre la menace de la COVID-19, ce qui, selon Seth, montre que les fonds ont toujours été disponibles pour des urgences, mais qu’ils n’ont tout simplement pas été affectés à des enjeux comme le changement climatique. Étant donné que la plupart des dirigeants politiques canadiens n’agissent  pas comme si le changement climatique était une urgence, nos niveaux d’émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas à la vitesse requise pour faire face à la crise imminente. Actuellement, toutes les mesures sont facultatives, donc faciles à laisser pour compte.  

Pour écouter le discours thème de Seth, « The Climate Emergency and the Artists », cliquer ici 

Les artistes en tête 

Les contributions personnelles comptent, mais si nous voulons voir des changements significatifs, il faut que le gouvernement agisse. Comme de nombreux intervenants l’ont signalé, il nous reste 11 ans pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre suffisamment pour éviter un changement climatique catastrophique. Annamie Paul (chef du Parti vert du Canada) a rappelé aux participants que le Canada se classait parmi les cinq premiers pays du monde pour ses émissions de gaz à effet de serre par habitant et avait le pire bilan en matière de réduction parmi les pays du G7. Depuis la signature de l’Accord de Paris en 2016, nos émissions ont en fait augmenté chaque année plutôt que de diminuer. Selon Annamie, pour réduire les émissions de 60 % d’ici 2030, nous avons besoin de bilans de carbone et de changements de fond. Dans l’ensemble, le public reconnaît la gravité de l’urgence – mais pourquoi n’est-ce pas le cas de nos dirigeants? Pourquoi ne pouvons-nous pas les motiver ou augmenter le nombre de personnes dans la sphère politique prêtes à intervenir face à la crise climatique?  Annamie a encouragé les artistes à briguer les suffrages, à s’asseoir à la table pour faire valoir l’importance d’agir en matière climatique et la vitalité de notre secteur. 

Pour écouter le discours thème d’Annamie, « Climate Action and Policy », cliquer ici 

« Les séances vertes : une journée d’apprentissage » ont été inspirantes et ont mis en lumière les manières dont les artistes et les organismes artistiques pouvaient faire appel à nos compétences pour prôner le changement ensemble. Surveillez le Soulpepper Theatre pour en savoir plus sur ses prochaines séances vertes – une journée de formation et une journée d’action, prévues pour la fin août et le début septembre (dates exactes à déterminer). Vous pouvez communiquer avec le Soulpepper Theatre à [email protected] et visionner tous les enregistrements des séances vertes sur YouTube à The Green Sessions: Day of Learning  

Les Canadiens sont-ils prêts à revenir aux arts ?

Le mardi 22 septembre, Nik Nanos, scientifique de données en chef et fondateur de Nanos Research, a partagé les résultats de la dernière enquête ARTS (Arts Response Tracking Survey), un partenariat entre Affaires / Arts, le Centre national des Arts et Nanos Research, qui a sondé plus de 1 000 Canadiens pour évaluer leurs attitudes sur le retour et le soutien aux arts à travers le Canada. Le travail de terrain pour cette étude a été achevé le 30 juillet 2020 et visait les amateurs d’art canadiens. 

Ces dernières conclusions donnent un aperçu utile aux organismes artistiques, en particulier aux collecteurs de fonds, pour aider à orienter les modèles de programmation et de collecte de fonds.

ARTS s’est concentré sur trois axes : 

1- La date de retour, qui a permis de suivre l’impact de la pandémie et le moment où les amateurs d’art prévoient de revenir.

2- Les conditions de retour, qui a permis de déterminer les mesures de précaution que les amateurs d’art canadiens souhaitent voir mises en place avant de retourner aux manifestations artistiques et culturelles.

3- Les dons, qui ont permis de saisir les activités de dons déclarées pour 2019, 2020 et projetées jusqu’en 2021 afin de comprendre l’impact immédiat probable de la pandémie et de planifier pour 2021. 

 

Conclusions :

La date de retour : 

En ce qui concerne les activités culturelles en salle, 23 % des amateurs d’art canadiens y retourneraient immédiatement, tandis que 38 % ont déclaré qu’ils attendraient 6 mois en moyenne avant d’y retourner. Une personne sur trois n’est toujours pas sûre d’y retourner.

En ce qui concerne les activités culturelles en plein air, 37 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles y retourneraient immédiatement, 30 % attendraient 5 mois en moyenne et 1 personne sur 3 n’est toujours pas sûre d’y retourner. 

Les musées et les galeries d’art sont les lieux dont les amateurs canadiens sont le plus incertains, avec 43 % qui disent ne pas savoir quand ils y retourneront. 

 

Conditions de retour :

Les amateurs de culture disent de plus en plus que les masques sont une précaution qui leur permettrait de se sentir à l’aise pour assister à une manifestation en personne. Cela sous-entend un alignement avec les recommandations de santé publique. 

Pour les spectacles en salle, 40 % des spectateurs (contre 27 % en mai) qui prévoient d’assister à un spectacle immédiatement après la réouverture souhaitent porter un masque. 

Quant à ceux qui prévoient attendre 1 à 5 mois avant de retourner assister à des spectacles, 43 % ont déclaré vouloir des masques (contre 29 % en mai). 

Les chiffres sont très similaires pour les spectacles en plein air : le consensus est que les gens se sentiraient beaucoup plus en sécurité si les précautions comprenaient des masques. 

 

Les dons :

En 2019, 43 % des consommateurs de culture ont fait des dons aux organisations artistiques et culturelles, pour un montant moyen de 158 $. En 2020, on s’attend à ce que ces chiffres diminuent : 39 % des personnes qui fréquentent les lieux culturels s’attendent à faire un don de 126 $ en moyenne, ce qui représente une baisse de 20 % par rapport à 2019. 

Le bon côté des choses, c’est que l’année 2021 semble prometteuse : 42 % des personnes interrogées ont l’intention de faire un don de 222 $ en moyenne, ce qui représente une augmentation de 40 % par rapport à l’année en cours. 

Nik Nanos a souligné le fait que les organisations artistiques seront durement touchées cette année. Toutefois, selon la conjoncture économique, il est probable que les dons reprennent en 2021. 

 

Il est à noter que la tranche d’âge des 35-54 ans prévoit donner moins en 2021. Cette baisse sera toutefois compensée par une augmentation du montant des dons de la cohorte des 55 ans et plus : leur générosité devrait se poursuivre en 2021. 

 

Cinq panélistes ont participé à une discussion après la présentation :

1- Wesley J. Colford du Highlanders Theatre a partagé une histoire à succès inspirante; cette compagnie de théâtre relativement jeune, basée à Sydney, en Nouvelle-Écosse, s’attendait à faire faillite d’ici août 2020 en raison de la pandémie. Au lieu d’abandonner, elle a lancé un programme appelé « Radical Access », dans le cadre duquel elle est passée de la vente de billets à un modèle de sociofinancement en demandant des dons mensuels. Ce modèle a connu un grand succès et la compagnie a déjà atteint 98 % de son objectif de financement.

2- Irfan Rawji, du musée Glenbow de Calgary, a parlé des finances et de ce que le gouvernement canadien pourrait faire pour aider les organisations artistiques. Il a souligné l’exemple d’un programme du gouvernement britannique qui couvre 50 % des factures des restaurateurs les lundis, mardis et mercredis. En substance, le gouvernement permet au public de choisir les restaurants qui survivront. 

3- Monica Esteves, directrice générale de Canadian Stage à Toronto, a dit avoir mené un sondage auprès de son public en juin et avoir appris que celui-ci était préoccupé par la compagnie et sa survie. En même temps, le public n’était pas prêt à prendre des engagements à long terme. En réponse, Canadian Stage programme et vend ses activités en « mini-saisons » de trois mois et continuera à le faire au moins pendant les douze prochains mois. Le conseil d’administration examine les progrès réalisés et approuve les plans par tranches de trois mois, ce qui permet à l’organisation de réagir rapidement aux situations émergentes.   

4- Claire Sakaki, directrice générale de Bard on the Beach (Vancouver), a parlé de son Festival, qui existe depuis 31 ans et qui présente généralement 300 spectacles dans un lieu emblématique de Vancouver pendant les mois d’été. La vente de billets et les dons représentent la plus grande partie de ses 9 millions de $ de revenus annuels. Transcendant l’emplacement physique, la compagnie s’est rapidement donné une nouvelle image pour devenir « Bard Beyond the Beach » avec un logo temporaire et a lancé « Bard in your Heart », axée sur les donateurs. Dans un même temps, elle a réimaginé toutes ses activités sur des plateformes virtuelles, allant des (spectacles – vous ne l’avez pas dit ?) aux visites des coulisses et au dîner annuel.

5- Jayne Watson, PDG de la Fondation du Centre national des Arts, a parlé des efforts du CNA pour garder les donateurs connectés et heureux en cette période de grande incertitude.  Elle a souligné le lien étroit entre les projets attrayants et la générosité des donateurs, en mettant en avant des initiatives telles que le financement par le CNA de 12 compagnies de théâtre pour qu’elles présentent des spectacles socialement distants, et le succès continu de la série de spectacles gratuits en direct « Canada Performs ». Elle a également souligné le fait que le CNA est passé du traditionnel gala d’automne à un programme axé sur les dons individuels, y compris un programme de jumelage des dons. 

Présentation de la réunion 

Vidéo de la réunion