Créer des cultures d’inclusion

Comment pouvons-nous créer, en collaboration avec nos clients, une culture d’inclusion? C’est la question inspirante qu’ont posée trois panélistes passionnés et bien informés à la récente conférence canadienne sur le marketing, le développement et la billetterie organisée à Toronto par ArtsReach.

April Moon (directrice adjointe des services au public, Canadian Stage) a donné un aperçu des difficultés qui se posent sur le plan de l’accessibilité à Canadian Stage : trois différentes salles (dont aucune n’est entièrement accessible) et un nombre considérable de clients chaque année.  Cette situation nécessite des plans d’accessibilité où rien n’est laissé pour compte.

Elle a donné un conseil pratique : tenir compte des rapports sur les spectacles produits par les services de la salle et de la billetterie, non seulement pour cerner les enjeux et dégager des tendances, mais aussi pour trouver les membres du public ayant des besoins sur le plan de l’accessibilité.

Elle a signalé un certain nombre de préoccupations exprimées par une cliente; elle a invité cette dernière à venir au théâtre expressément pour en faire une visite avec elle.  Cette démarche a abouti à des constatations à la fois étonnantes et révélatrices; April a par exemple découvert que la cliente en question (qui utilisait un fauteuil roulant surdimensionné) ne pouvait pas utiliser la cabine « accessible » dans les toilettes des femmes à l’un des théâtres parce qu’elle ne pouvait pas se transférer de son fauteuil et fermer la porte de la cabine. Il n’y avait pas d’uniformité dans le placement des ouvre-portes, les ascenseurs étaient mal entretenus, les tables dans le hall étaient trop hautes pour une personne en fauteuil roulant et le seuil de certaines entrées était trop haut, donc difficile à franchir en fauteuil roulant.  À l’issue de cette visite exhaustive, Canadian Stage a dressé une liste des rénovations, petites et grandes, à faire et entreprend maintenant un programme d’améliorations complètes.

Kevin DeveauxKevin Devaux (gestionnaire des Services à la clientèle, Toronto Symphony Orchestra) est intervenu ensuite et a parlé de la passion du Toronto Symphony Orchestra pour la musique classique et pour sa clientèle. En tant que locataire de Roy Thomson Hall et du Toronto Centre for the Arts, le TSO est déterminé à travailler avec les responsables des salles où il se produit pour coordonner des démarches favorisant l’accessibilité et les communications, ainsi que pour offrir une bonne expérience à la clientèle.

L’équipe du TSO rencontre régulièrement le personnel chargé des services de spectacles aux endroits où il se produit. Elle examine les rapports sur les spectacles, assure un suivi auprès des clients pour s’occuper des préoccupations et note des observations dans les dossiers des  clients afin de permettre aux membres de l’équipe d’assurer un suivi auprès de ces derniers à leur prochaine visite. L’équipe du TSO examine aussi les commentaires dans Yelp et une appli de mappage appelée accessnow.me pour mieux comprendre l’expérience des utilisateurs et intervenir de manière proactive.

De pair avec leurs collègues du Roy Thomson Hall, les membres de l’équipe du TSO ont établi une liste de vérification, un plan de service à la clientèle (qui inclut l’attribution au besoin d’une autre place) et un message commun à utiliser en cas de dérèglement de l’ascenseur pour les clients du Roy Thomson Hall afin de garantir des communications promptes, opportunes, uniformes et exhaustives sur divers modes.  En outre, le site Web du TSO inclut des renseignements détaillés sur les services accessibles à tous les endroits où il se produit sous une adresse URL courte et évidente : TSO.ca/access.  Les membres du personnel à ces endroits reçoivent régulièrement une formation, et les services accessibles sont continuellement examinés.

Kevin a insisté sur l’importance de faire appel à l’aide des clients puis de dresser des plans d’amélioration englobant les services, les ressources et la formation, assortis d’un budget pour mettre le tout à exécution!

Rachel MarksRachel Marks (consultante en sensibilisation à l’autisme possédant une grande expérience des arts de la scène)  a traité des spectacles détendus et des mesures que les organismes peuvent prendre pour accueillir confortablement les personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme, ainsi que les membres de leur famille et leurs amis.

Rachel a fait observer que de nombreux aspects peuvent susciter l’anxiété chez ces personnes, surtout si elles se trouvent dans une situation nouvelle. Elle a recommandé un certain nombre d’approches, que les organismes peuvent adapter selon leurs besoins, pour aider ces clients à profiter de l’expérience qu’ils vivent. Bien sûr, elles exigent une réflexion et une préparation, mais elles en valent la peine tant sur le plan social qu’économique. Rachel a notamment décrit les options suivantes :

Plans du lieu de spectacle indiquant les expériences sensorielles qu’on y trouve – odeurs, sons, textures et éléments visuels.

Trousses d’accessibilité : elles peuvent inclure une fiche de renseignements sur la société, écrite en langue claire et simple; des objets à manipuler (disponibles auprès d’Autisme Ontario); des lunettes de soleil pour atténuer l’éclairage éblouissant; des guides sur les personnages, selon les besoins; ou une histoire sociale (document positif et très visuel décrivant étape par étape et à la première personne comment aller au théâtre, trouver la billetterie et les toilettes, explorer le foyer, entrer dans la salle, trouver sa place et se comporter durant le spectacle).

« Visites tactiles » et visites de l’arrière-scène AVANT le spectacle : les personnes qui ont l’occasion de faire une visite guidée des lieux quand il n’y a pas beaucoup de monde se sentent souvent beaucoup moins anxieuses à la perspective de leur assistance au spectacle.   Les personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme sont souvent très logiques : celles qui viennent pour la première fois au théâtre mais qui comprennent ce qui va se passer et comment les effets sont produits ont de bien meilleures chances d’apprécier le spectacle.

L’élément humain : Le personnel de la salle et de la billetterie de même que les artistes doivent être bien préparés pour l’expérience. Par exemple, même s’il y a beaucoup de mouvement dans la salle durant un spectacle calme, cela ne doit pas être considéré comme un signe de désintérêt.

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Partant de l’hypothèse, au début de cette séance, que nous voulons tous rendre nos orchestres accessibles au plus grand nombre de personnes possible, j’en suis repartie avec une meilleure idée des mesures concrètes que nous devons prendre individuellement et collectivement pour y parvenir. Je suis reconnaissante envers April, Kevin et Rachel d’avoir partagé leur savoir et leur engagement avec nous, d’avoir jeté un coup d’œil à cet article avant sa publication et d’avoir aussi transmis leur jeu de diapositives PowerPoint.

Outils et sources d’inspiration

Guide sur l’accessibilité du Toronto Symphony Orchestra

Guide sur l’accessibilité du Canadian Stage

Déclaration sur l’inclusion, la diversité, l’équité et l’accessibilité (IDEA) d’Orchestres Canada

Organismes et programmes utiles

Autisme Ontario

Programme du parapluie bleu offert par la Société de l’Alzheimer

Autres ressources mentionnées durant la séance

Le Theatre Development Fund de New York (qui, parmi de nombreux autres services, gère la billetterie TKTS à Times Square) affiche  dans son site Web un ensemble complet de ressources sur les spectacles détendus.  On notera tout particulièrement son utilisation d’une vidéo pour guider les spectateurs dans l’expérience de Times Square!

Une appli de mappage indiquant les installations accessibles (aussi disponible à votre boutique d’applis préférée).

La trousse à outils de la LAPHO (Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario)

Un ensemble de ressources très utiles sur la LAPHO et le Code des droits de la personne de l’Ontario

Une série de ressources de Trusty Sidekick visant à préparer les enfants atteints du trouble du spectre de l’autisme à assister à un spectacle.

Bâtir une culture performante

OC Calgary 2018 : « Dans un monde où l’on s’attend à plus des orchestres, comment pouvons nous structurer nos milieux de travail et nos ressources de façon à ce que les gens s’investissent dans le travail avec joie et plénitude? »

Dans le cadre de notre conférence nationale 2018, Jeanne LeSage a mené un atelier à propos de comment bâtir une culture performante dans un organisme culturel. Les diapositives de cet atelier sont disponibles ici.

Exploitation et mutualisation des données numériques

OC Calgary 2018 : Les orchestres et les organismes artistiques «se noient» dans les données, mais comment trouver le but de ces informations est souvent un défi. Renaud Legoux (professeur agrégé, Département de marketing, HEC Montréal) parle des données numériques que votre organisation doit conserver et de la façon dont elles peuvent favoriser le développement et la fidélisation de l’auditoire.

Enregistrement disponible ici (en anglais seulement).
Diapositives disponibles ici (en français)

Enseignements à tirer des premiers résultats du programme inspirer et enraciner

Thérèse Boutin a mené deux séances à ce sujet à notre conférence nationale 2018, dont les diapositives sont disponibles ici.

L’entrevue suivante a été publiée le 18 mai, 2018.

Thérèse Boutin et le programme Inspirer et enraciner du Conseil des arts du Canada

Dans le cadre de sa conférence 2018 à Calgary, Orchestres Canada accueillera des experts et des leaders d’opinion d’organismes musicaux et artistiques de partout au Canada. Nombreux d’entre eux sont d’actuels ou anciens dirigeants d’orchestres canadiens, comme la charmante Thérèse Boutin. Thérèse a été directrice générale de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières et de l’Orchestre symphonique de Québec, en plus d’assumer pendant deux ans la présidence du conseil d’administration d’Orchestres Canada.

Le parcours et l’expérience impressionnants de Thérèse lui ont permis d’acquérir une connaissance intime des rouages des organismes subventionnaires nationaux, et c’est dans ce domaine qu’elle effectue actuellement des recherches pour Orchestres Canada, spécialement en ce qui a rapport au programme Inspirer et enraciner du Conseil des arts du Canada.

Ce programme de subvention a pour mission d’assurer un soutien constant aux organismes artistiques dans leur présentation d’activités artistiques qui inspirent une vaste gamme de personnes dans leurs communautés et au-delà de celles-ci. Il vise aussi à encourager les organismes à être un miroir de la diversité de ces communautés par leur dotation en personnel, leur programmation et leurs responsabilités de mobilisation du public.

Nous avons récemment eu l’occasion d’en savoir plus sur les recherches que mène Thérèse. Celles-ci ont inclus une analyse approfondie des demandes de subventions présentées par les orchestres de partout au Canada en vue de mieux comprendre les éléments que veulent y voir les comités d’évaluation par les pairs du Conseil des arts.

Est-ce que vous pouvez me parler un petit peu au sujet de la recherche que vous faites actuellement pour Orchestres Canada sur le programme Inspirer et enraciner du Conseil des Arts du Canada ?
On a demandé aux orchestres qui voulaient s’adonner à cette étude sur un base volontaire de nous faire parvenir une copie de leur demande de subvention, et quinze ont accepté de participer au projet : dix qui sont dans la catégorie des Catalyseurs artistiques (des orchestres qui ont un budget de moins de deux millions de dollars), et cinq orchestres qui sont dans la catégorie des Institutions (les orchestres qui ont des budgets de plus de deux millions de dollars). Nous avions donc un échantillon intéressant pour faire l’analyse.

Est-ce que vous avez remarqué des différences ou des tendances entre les différentes demandes de subvention que vous avez reçues ?
Je n’ai pas tout à fait terminé, mais j’ai été capable de déterminer des tendances : non pas en rapport avec ce dont les orchestres ont besoin, mais plutôt de voir comment les orchestres ont interprété le formulaire. Et c’est ça qui est intéressant : le formulaire du Conseil des arts est le même pour tout le monde, mais les orchestres n’ont pas interprété les questions de la même manière. Ça ne veut pas dire que les réponses n’étaient pas bonnes, mais c’est qu’il n’y a pas deux demandes de subvention pareilles.

Et qu’est-ce qui s’est passé en ce qui concerne les résultats de ces demandes ?
Tout le monde a eu une subvention, mais il y en a qui ont reçu des augmentations et d’autres qui n’en ont pas reçues. Mon objectif, ce n’est pas de faire la leçon aux orchestres qui n’ont pas reçu une augmentation. Je veux simplement voir si les orchestres ont bien dit ce qu’ils avaient à dire, s’ils ont bien fait passer leur message et ont été clairs dans les éléments qu’ils ont écrits et mis de l’avant. Je veux aussi voir s’il y a eu des oublis ou s’il y a des éléments qui auraient pu être présentés autrement.  Je fais un recensement de bonnes pratiques à partager et j’allume des feux jaunes à certains endroits. Je travaille avec une mine d’informations extraordinaire. Je pourrais faire plein de choses avec ça, mais j’ai seulement une heure pour faire mon atelier !

Est-ce vous analysez les demandes au cours des cinq dernières années du programme ou seulement celles de cette année ?
Les orchestres dans la catégorie Catalyseurs artistiques m’ont envoyé leurs demandes pour l’année courante et les deux prochaines années. Pour les orchestres dans la catégorie Institution, ils m’ont envoyé leurs demandes pour l’année en cours et l’année prochaine. Je n’ai pas accès aux autres demandes qui ont été faites par le passé. Je ne sais pas qu’est-ce que les gens ont écrit il y a trois ans ou il y a cinq ans. Mais chose certaine, c’est que les attentes du Conseil des arts du Canada ont beaucoup changé au cours des dernières années. On résiste tous un peu au changement et j’ai remarqué que des orchestres (certains plus que d’autres) sont retombés dans leurs vieilles habitudes. C’est tout à fait normal, les gens ont d’autres choses à faire.  C’est beaucoup de travail et ça prend beaucoup de temps.

Est-ce que vous avez d’autres choses à dire ou des conseils à donner au sujet des demandes que vous avez lues ?
Je les ai trouvées très intéressantes. Si j’étais indépendante de fortune, je me ferais un calendrier pour la prochaine année et j’irais à des concerts partout au pays. Il y a plein de belles choses qui se passent ! Il y a de beaux concerts et de belles activités, mais il y a toujours place à amélioration. Je n’ai pas de conseils à donner, ce n’est pas vraiment mon mandat. Il s’agit plus de permettre aux orchestres qui ont fait une demande subvention de voir là où ils auraient pu faire autrement, où ils n’ont pas été assez complets ou là où ils n’ont peut-être pas bien compris. Ou encore je pourrai donner des exemples d’orchestres qui ont trouvé une façon originale de répondre à une question. Je suis très contente et très reconnaissante envers les orchestres qui ont accepté de participer !

L’espace intermédiaire : Cultiver l’équite et la diversité dans les orchestres canadiens

Dans le cadre de notre conférence nationale 2018, L’ethnomusicologue Parmela Attariwala et la consultante en équité dans le domaine des arts Soraya Peerbaye ont présenté les constatations de leur recherche, menée au nom d’Orchestres Canada avec l’appui du programme Leadership pour le changement du Conseil des arts du Canada, sur l’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité dans le secteur orchestral.

L’enregistrement de cette séance est disponible ici en anglais.
Les diapositives sont disponibles ici en français.

L’entrevue suivante a été publiée le 25 mai 2018.

L’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité avec Soraya Peerbaye et Parmela Attariwala

ien qu’on n’associe peut-être pas traditionnellement les mots inclusivité, diversité, équité et accessibilité à l’institution de la musique classique, ils font partie intégrante de la culture commerciale, politique et canadienne. Dans le cadre de sa prochaine conférence nationale, Orchestres Canada accueillera Soraya Peerbaye et Parmela Attariwala, qui animeront deux séances sur ces thèmes et feront état de la recherche qu’elles ont effectuée pour nous. Soraya est auteure, conservatrice et consultante à Toronto et se concentre sur l’équité et la diversité dans les arts. Parmela, elle aussi de Toronto, est violoniste/altiste, compositrice et ethnomusicoloque et s’intéresse à une foule de sujets de recherche comme le multiculturalisme et la démocratie en musique, l’improvisation et la musique de l’Inde médiévale. Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec elles la semaine dernière à propos de la décolonisation dans les arts et l’état de la conversation parmi les orchestres canadiens au sujet de l’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité.

Parmela et Soraya ont entamé leur recherche avec une série de questions visant à déterminer ce que les orchestres font actuellement sur le front de l’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité, à en savoir plus sur les mesures qui se révèlent efficaces et celles qui ne le sont pas et à voir comment Orchestres Canada pourrait intervenir sur ce plan.

La liste de questions incluses dans ce projet a presque immédiatement commencé à s’allonger. « En très peu de temps, nous avons voulu en savoir plus sur la conversation très actuelle dans le milieu des arts au sujet de la décolonisation. Qu’est-ce que ce mot implique sur les plans politique et culturel? Quelles possibilités ouvre-t-il pour une forme d’art issue des traditions culturelles européennes des Blancs. À partir de ces quelques questions, elles voulaient tracer le profil des conversations sur ces thèmes qui ont cours dans le secteur orchestral; elles ont constaté que celles-ci étaient identiques à celles qui se déroulent dans d’autres disciplines artistiques.

Soraya et Parmela ont rencontré les principaux intervenants dans le secteur orchestral, surtout des directeurs généraux et artistiques, pour discuter des façons dont leurs organisations abordent ces questions. « Nous avons rapidement constaté, dit Soraya, qu’en raison du profil même des personnes qui s’investissent dans cette discipline et accèdent à des postes d’autorité dans ce secteur, nos interlocuteurs étaient principalement des artistes et praticiens de race blanche. Nous avons tenu un certain nombre de tables rondes avec des artistes, créateurs et musiciens autochtones pour susciter une exploration plus riche. J’hésite un peu à employer ces mots, mais il est très important pour moi d’élargir le cadre de référence. Pour progresser vers un objectif, il faut le visualiser. Nous voulions non seulement prendre le pouls de la situation, mais aussi connaître l’objectif vers lequel nous tendions. »

Elles-mêmes artistes très actives, Soraya et Parmela ont la chance de pouvoir observer les problèmes qui reviennent dans leurs disciplines tant de l’intérieur que de l’extérieur. « Je critique l’institution de l’orchestre depuis que je suis ethnomusicologue, dit Parmela. J’ai toujours jeté un éclairage culturel sur mon milieu de travail. » Cette capacité à voir globalement l’orchestre comme institution leur a permis de s’impliquer différemment dans la conversation sur les orchestres et la musique orchestrale. « Par exemple, explique Parmela, on en est venu à idolâtrer les orchestres, Beethoven ou la partition d’une symphonie. Mais si on se place dans le contexte du début du 18 e siècle, on voit que cela se situe dans un continuum. Beethoven s’est tout simplement trouvé au bon endroit au bon moment. Contrairement à ces prédécesseurs, il a pu choisir de travailler pour lui-même plutôt que pour l’église ou la cour, ce qui lui a permis de déterminer le caractère de ses compositions. Se trouvant à Vienne, il avait accès à un riche bassin de musiciens ainsi qu’à une formule sonique sur l’utilisation de ces derniers créée par ses prédécesseurs; et surtout, il bénéficiait de l’avènement d’un auditoire payant. »

Ce courant est répandu également dans d’autres formes d’art. De la littérature au cinéma en passant par la danse, on jette maintenant plus que jamais un regard critique sur ce qui est considéré comme extraordinaire (et ceux qui portent ce jugement). Difficiles certes, ces conversations s’imposent néanmoins. « Nous utilisons la langue de manières codées auxquelles nous ne réfléchissons pas vraiment, explique Soraya. Les interventions en matière d’équité exigent de faire remonter à la surface les hypothèses enfouies dans la langue que nous employons. En littérature, nous parlons des classiques, ce qui est étroitement lié aux orchestres et à la notion du répertoire. Qu’est-ce qui est universel et qui décide? Il est intéressant en un sens de tracer ces liens et de déchiffrer les hypothèses fondamentales que nous posons au sujet de notre culture et de la langue que nous employons pour la décrire. »

Bien qu’il s’agisse d’une étude approfondie de l’état actuel des orchestres canadiens, il n’est pas question de recommander des pratiques exemplaires ou une trousse à outils pour l’examen de ces enjeux. Soraya affirme que l’étude se veut plutôt « une reconnaissance du fait que nous nous trouvons à un moment culturel où les conversations et les occasions d’apprentissage se multiplient. » Leur recherche est de vaste envergure, fait observer Parmela, « le Canada est d’une étendue géographique incroyablement vaste. Il existe des différences marquées entre le Canada anglais et le Canada français et les endroits où l’on constate d’autres niveaux de distinction ou d’intégration entre Autochtones et colonisateurs. » La présentation de Soraya et Parmela à la Conférence nationale d’Orchestres Canada constituera une poursuite de cette conversation, à laquelle viendront s’ajouter les commentaires et points de vue de participants à la conférence qui ne faisaient pas partie de l’étude comme telle. Elles présenteront leur recherche dans la matinée du 31 mai et, en après-midi, rencontreront de petits groupes pour discuter des conséquences de leurs observations. En ce qui a trait aux prochaines étapes dans cette recherche, Soraya affirme qu’un changement d’approche est peut-être ce qui s’impose d’abord et avant tout. « C’est ce que nous entendons de tous les autres secteurs. Ce n’est pas une question de changement graduel, mais plutôt d’une transformation de la conversation en cours au cœur de la culture. »

Le marketing et l’expérience du concert

OC Calgary 2018 : Séance plénière avec Aubrey Bergauer, commandité par Symmetrica – Creative Technology Solutions
La directrice générale du California Symphony, Aubrey Bergauer, nous a entretenu des révélations au sujet de l’Orchestre X, une exploration courante de la direction des orchestres dans un monde en évolution. 

L’enregistrement de cette séance est disponible ici en anglais.
Les diapositives de cette séance sont disponibles ici.

L’entrevue suivante a été publiée le 18 avril, 2018.

Pleins feux sur l’intervenante : Aubrey Bergauer

Aubrey Bergauer s’est fait une réputation comme chef de file disposée à essayer, mettre en place, documenter et transmettre des idées et approches nouvelles, réputation qui n’a cessé de s’étendre ces dernières années, et Orchestres Canada suit attentivement son travail depuis 2016.  Nous sommes ravis de sa décision de se joindre à nous à notre conférence de Calgary, où elle animera quelques séances le vendredi 1er juin.

Peu après avoir accepté le poste de directrice générale du California Symphony en 2014, Aubrey a lancé un projet appelé Orchestra X, dont l’objet était de suivre les réactions d’un groupe de personnes culturellement actives à leur première expérience d’assistance à un concert orchestral. L’équipe du California Symphony a noté les impressions des membres de ce groupe face à l’expérience globale du concert, depuis les consultations initiales dans le site Web jusqu’aux conversations à la sortie de la salle de  concert. On trouvera un compte rendu du projet icimais disons en bref que les raisons pour lesquelles des personnes culturellement actives n’assistent pas à des concerts orchestraux sont variées; des aspects de chaque élément de cette expérience posent des difficultés pour ce qui est d’attirer et de fidéliser de nouveaux publics.

Nous avons récemment rejoint Aubrey pour en savoir davantage sur la recherche qu’elle a menée avec son organisation.

Selon vous, quelles sont les prochaines étapes pour le projet Orchestra X?

Nous travaillons actuellement à de nombreux aspects. Le plus important est une restructuration complète du site Web, dont nous sommes aux premières étapes. Nous y avons apporté autant d’améliorations que nous avons pu, et le moment est maintenant venu de passer à un autre niveau. À la lumière de la recherche effectuée dans le cadre de ce projet, j’ai pu inclure de nombreuses caractéristiques que nous tenions à avoir dans notre nouveau site Web, par exemple :

  • Pages de billets individuels – Elles constituent le contenu le plus critique étant donné que presque toutes nos activités de marketing numérique mènent à ces pages de renvoi. Elles sont beaucoup visitées et représentent la plus grande source d’information pour les personnes qui veulent acheter des billets de concert ou qui en ont déjà acheté.
  • Options de langue anglais/espagnol – La population de Contra Costa County, où nous sommes établis, est à 25 % hispanique, mais la composition de notre public ne reflète pas cette réalité. Nous avons plusieurs initiatives en plan visant à attirer des auditoires hispanophones, mais notre site Web ne dessert pas encore ce groupe.
  • Contenu – Vidéos, blogues, listes de lecture, photos – nous voulons pouvoir tirer parti de la tendance au marketing de contenu et présenter à l’avant-plan un riche contenu. Nous voulons aussi pouvoir raconter le récit de nos programmes éducatifs.
  • Calendrier des spectacles – Nous avons découvert que notre clientèle éventuelle le veut, et nous tenons à ce qu’il soit clair et convivial.
  • Intégration améliorée de la gestion des relations avec la clientèle pour les billets et les dons – Pourrions-nous faire comme Live Nation, avec possibilité de lien avec le compte Facebook et option de voir si les amis ont acheté des billets et où sont leurs sièges? Ce serait merveilleux de pouvoir par exemple afficher sur la page d’accueil que beaucoup d’amis  sont déjà allés à des concerts symphoniques, puis, sur les listes de concerts, de pouvoir indiquer si certains d’entre eux assisteront à un concert en particulier.

Est-ce quelque chose que vous continuez à explorer pour vos communications avec vos publics nouveaux ou récemment acquis?

Nous examinons constamment toutes nos voies de communications, des médias sociaux au site Web en passant par les programmes imprimés. En ligne, nous avons mis l’accent sur le marketing de contenu, c’est-à-dire que nous nous employons à communiquer un contenu éducatif intéressant plutôt que des messages publicitaires,  en retour, nous attirons et intéressons plus de consommateurs. Dans la salle de concert, nous savons maintenant que les nouveaux membres du public ne savent pas très bien à quoi s’attendre lors d’un concert orchestral, et nous essayons de rendre  l’expérience aussi peu intimidante que possible.  Un moyen que nous avons utilisé à cette fin est d’indiquer dans le programme les comportements acceptables :

Making Concerts Fun: Bring drinks to your seats. Clap when you like what you hear. Phones on and silent allowed. Listen to the season playlist on Spotify

Les écrans lumineux et les infractions aux accords syndicaux sur l’enregistrement ne nous ont pas causé de problème. Généralement, les gens se présentent au concert, prennent leur selfie sur fond d’orchestre en répétition, qu’ils affichent ensuite dans les médias sociaux, et rangent leur téléphone. C’est une victoire pour nous. Parfois, durant des applaudissements ou ovations soutenus, les membres du public (de tous âges!) font un enregistrement vidéo et affichent une salle bondée de gens fous de l’orchestre. Nous adorons! Notre directeur musical maîtrise aussi l’art de gérer le public avec ses mains. S’il ne veut pas d’applaudissements après un mouvement lent, par exemple, il l’indique par des gestes et sa façon de conclure le mouvement précédent.

Quelle est la différence entre attirer de nouveaux publics à des concerts orchestraux et les fidéliser pour en faire des habitués de concerts ?

Une des premières choses que j’ai faites au California Symphony a été d’instituer un plan très discipliné de conservation du public.  Même si l’on répète à l’échelle de notre industrie qu’il faut attirer de nouveaux publics, la plupart des orchestres font en réalité un excellent travail d’attirer de nouveaux auditoires, mais notre difficulté consiste à les conserver. Selon les statistiques aux États-Unis, 90 % des personnes qui assistent une fois à un concert ne reviennent jamais. J’ai donc élaboré un plan de développement des auditoires basé sur une approche à long terme indiquant la prochaine étape voulue pour chaque segment de l’auditoire; toutes nos démarches sont axées strictement sur cette prochaine étape. Ainsi, tous ceux qui assistent à leur premier concert reçoivent ensuite quatre communications différentes les invitant à revenir, puisque c’est tout ce que nous attendons d’eux. Au California Symphony, cette approche nous a permis d’atteindre un taux de conservation de près d’un tiers de nouveaux membres du public qui reviennent dans les 12 mois suivant leur première visite, et la tendance est à la hausse pour la saison actuelle.

Qu’en est-il des abonnés de longue date?

Nous leur faisons comprendre qu’ils nous tiennent à cœur et que nous apprécions énormément leur loyauté, et nous le faisons de nombreuses manières durant l’année. Dans leur cas, la prochaine étape est de les amener à donner s’ils ne le font pas déjà. Le message vise donc d’abord et avant tout à « normaliser le comportement ». Autrement dit, nous expliquons stratégiquement et délibérément à quel point il est  normal de donner (au lieu de dire que « les ventes de billets ne permettent d’absorber que X % des coûts »). La seule exception est que nous traitons différemment les abonnés qui en sont à leur première année de renouvellement (leur taux de renouvellement est ordinairement de 50 % ou moins aux États-Unis); en effet, nous ne leur demandons pas de faire un don parce que, dans leur cas, la prochaine étape est le renouvellement de leur forfait de saison.

Enfin, nous avons décidé cette année d’appliquer aux abonnés un résultat de notre projet Orchestra X : dans notre brochure de saison, nous avons modifié notre description de chaque concert. Au lieu d’inclure un court paragraphe  sur chaque programme, nous avons adopté la formule « Qu’est-ce qu’il y d’intéressant dans ce concert? » suivie de quelques points inspirés de ce que nous affichés dans notre site Web. Le taux de renouvellement a atteint 89 % pour les nouveaux abonnés et les abonnés de longue date.

Grâce à ces tactiques, tous les segments de notre public se sont développés. Depuis mon arrivée au sein de cette organisation en 2014 et inversement aux tendances constatées dans la plupart des orchestres, notre assistance annuelle globale a presque doublé tandis que le nombre de nos donateurs a presque quadruplé.

Quels nouveaux projets vous occupent en ce moment?

Il y a tellement de choses qui se brassent, c’est une période palpitante! Nous faisons constamment de petits essais; nous voulons par exemple déterminer le moyen le plus susceptible de convaincre un nouveau membre du public à revenir, soit un généreux rabais, soit un coupon donnant droit à une remise (d’après les premiers résultats, ce serait le second), peaufiner nos appels de dons pour voir ce qui attire des dons plus substantiels, ou encore utiliser de la publicité numérique en espagnol dans l’espoir que cela change la composition démographique du public.

Pour moi, l’aspect le plus satisfaisant de l’intérêt et de la visibilité que mes interventions au California Symphony ont attirés est que cela est devenu mon moyen de faire ce qui me tient le plus à cœur, soit de prôner l’égalité et l’inclusion, d’investir dans le perfectionnement professionnel et le leadership en innovation dans le domaine, de lutter contre les structures cloisonnées traditionnelles et de faire une contribution  dont l’impact dépasse mon petit coin du monde. Je m’emploie à changer le discours pour la musique classique, et je suis impatiente de vous voir tous à Calgary!

Pour de plus amples renseignements sur Aubrey et ses recherches, lisez ses articles dans Medium!

 

Déclaration sur l’inclusion, la diversité, l’équité et l’accessibilité (IDEA)

Les participants à la conférence nationale de 2016 ont demandé à Orchestres Canada de travailler avec les orchestres canadiens et des spécialistes externes pour décrire les pratiques exemplaires que les orchestres canadiens devraient suivre dans leurs interventions sur les plans de l’inclusion, la diversité, l’équité et l’accessibilité (IDEA). Au cours de la saison 2016-2017, des bénévoles du Centre national des Arts, du Manitoba Chamber Orchestra et du Kitchener-Waterloo Symphony ont travaillé avec les membres du personnel d’OC afin de rédiger et de peaufiner la Déclaration IDEA pour les orchestres canadiens. Le conseil d’administration d’OC l’a approuvée en mai 2017; nous la présentons maintenant à la communauté orchestrale canadienne aux fins de discussion et d’adoption.

Déclaration sur l’inclusion, la diversité, l’équité et l’accessibilité (IDEA) pour les orchestres canadiens (Version imprimable en format PDF)

Déclaration sur l’inclusion, la diversité, l’équité et l’accessibilité (IDEA) pour les orchestres canadiens (Version Word – personnalisez le message en fonction du contexte et de l’image de votre orchestre)

Enregistrement disponsible ici.

Les orchestres et l’équité culturelle : comprendre de débat, Ian David Moss

À la conférence d’OC, en mai dernier, Ian David Moss, fondateur du groupe de réflexion Creatiquity, a traité de la situation en matière d’équité, de diversité et d’inclusion dans les arts et a proposé des cadres utiles pour les interventions actuelles et éventuelles des orchestres sur ces plans.

Ressources : 

La santé financière des orchestres au Canada

Cette présentation apporte une perspective canadienne au rapport La vie périlleuse des orchestres canadiens de Robert Flanagan (présenté à la Rencontre nationale 2012) et à la notion de la loi de Baumol (loi de la fatalité des coûts croissants). À l’aide de données du sondage des membres d’Orchestres Canada entre 2004 et 2012, la présentation examine l’évolution des dépenses et des revenus pour les orchestres canadiens et les orchestres des États-Unis. Elle conclut que les orchestres canadiens conservent un meilleur équilibre des revenus et des dépenses et qu’ils sont plus réactifs aux changements économiques. L’analyse a été réalisée par Renaud Legoux, Tara McGrath et Sylvain Sénécal.

Présentateur : Renaud Legoux, professeur agrégé de marketing, HEC Montréal

Présentation lors de la rencontre nationale d’Orchestres Canada, le 13 juin 2014, Toronto, Ontario.

Lien : La santé financière des orchestres au Canada – présentation