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La longue piste de décollage

« Les institutions piliers sont des organismes perdurables et ancrés dans un lieu d’attache qui jouent un rôle fondamental dans le succès social et économique de leurs communautés. Les organismes artistiques et culturels peuvent assumer cette fonction. Partout dans le monde, les entreprises perdurables, y compris les musées et les centres d’arts de la scène, les compagnies de théâtre et les centres des arts communautaires, emploient des artistes, engagent des troupes, dynamisent la communauté et défendent des enjeux de justice sociale par leur engagement profond, tout en ayant un impact économique important et en procurant des bienfaits secondaires grâce à des dépenses accessoires. »  Steven Wolff, The Long Runway to Return.

Dans le cadre de notre série d’apprentissage en ligne, Reprise, nous avons accueilli Steven Wolff, directeur fondateur d’AMS Planning & Research, pour jeter un regard sur l’avenir et repenser comment les orchestres peuvent créer des liens (avec les artistes, employés, administrateurs, partenaires, publics et communautés), remanier leurs programmes et services, et réinventer leurs modèles opérationnels. Un enregistrement de la session se trouve ci-dessous, ainsi qu’une table ronde sur la recherche de Steven, animé par Simon Gamache, consultant et membre du conseil d’administration d’OC. Les invités de la table ronde sont : Nicolas Ellis (Orchestre de l’Agora, Orchestre Métropolitain), Robert Fraser (Organisation des musiciens d’orchestre symphonique du Canada, Victoria Symphony), Tim Jennings (Shaw Festival), et Trudy Schroeder (Winnipeg Symphony Orchestra).

Enregistrement disponible ici.

L’article de Steven se trouve ci -dessous. La version originale en anglais est disponible sur le site Web d’AMS Research.

La longue piste de décollage

Steven Wolff, AMS Planning and Research

Les institutions piliers sont des organismes perdurables et ancrés dans un lieu d’attache qui jouent un rôle fondamental dans le succès social et économique de leurs communautés. 

Chaque quartier, ville ou région inclut un écosystème regroupant diverses sortes d’institutions piliers, comme les collèges et universités, les hôpitaux, les fondations communautaires et d’autres entités qui sont « ancrés en place ».  Ces institutions ont donc un intérêt direct dans l’avenir de leur milieu; elles entretiennent une interdépendance avec la qualité de vie de leurs localités et de leurs résidents.

Les organismes artistiques et culturels peuvent eux aussi assumer la fonction d’institutions piliers. Partout dans le monde, les entreprises perdurables, y compris les musées et les centres d’arts de la scène, les compagnies de théâtre et les centres des arts communautaires, emploient des artistes, engagent des troupes, dynamisent la communauté et défendent des enjeux de justice sociale par leur engagement profond, tout en ayant un impact économique important et en procurant des bienfaits secondaires grâce à des dépenses accessoires.

La réouverture des établissements se fera dans un contexte très différent, où il faudra opérer beaucoup de changements et dans lequel les institutions culturelles piliers seront appelées à jouer un rôle de premier plan dans la réactivation du secteur et la dynamisation des collectivités.  Les réflexions qui suivent semblent indiquer que, comme les reprises qui ont suivi d’autres perturbations importantes, la route sera longue, comportera de nombreuses étapes et inclura des défis inattendus et imprévus, mais mènera aussi à des résultats éventuellement positifs.  En proposant un cadre pour l’examen des stratégies et actions possibles, nous ne cherchons pas tant à définir la route à suivre qu’à stimuler une conversation et à enhardir une réflexion prospective.

  • Le désir de se rassembler, de célébrer, d’apprendre et de s’épanouir est fondamental pour l’être humain.
  • Au temps de la COVID-19, ce désir est contrebalancé par celui, encore plus fondamental, de sécurité.
  • Notre système culturel sera encore plus indispensable pour rétablir le bien-être, l’équité et la cohésion communautaire. Mais nous devons être prêts.
  • Nos structures, méthodes d’exécution et paramètres économiques doivent « s’adapter et changer » pour faire en sorte que nos artistes et institutions puissent de nouveau servir leurs communautés, où qu’elles soient, tandis que nous nous dirigeons vers la « nouvelle normalité ».
  • Comme notre secteur (en général) jongle déjà avec un niveau élevé d’endettement et est largement sous-capitalisé, et vu la faible probabilité d’un retour rapide aux niveaux traditionnels d’activité, nous devons absolument repenser notre forme de mobilisation, la manière et les endroits où nous créons et présentons nos produits, ainsi que notre façon de déployer nos ressources.
  • Il faudra aussi réimaginer et remettre à l’échelle la nature et l’envergure de nos organisations et les relations entre les artistes, les travailleurs et les cadres.

Miser sur la raison d’être

Pour relever ces défis, nous devons renouveler notre engagement envers notre raison d’être (pourquoi nous faisons ce que nous faisons). Depuis des décennies, le secteur des arts et de la culture se concentre sur sa « mission », autrement dit sur ce qu’il fait, le faisant au plus haut calibre que ses ressources le lui permettent. Le succès a fait en sorte que les actions de nombreux intervenants ont élargi l’accès pour certains, mais non pas tous.  Il a donné lieu à plus de diversité, mais pas assez. Il a permis de mobiliser plus de gens, mais non pas tous ceux que cela intéresse et qui pourraient vouloir participer aux arts et à la culture.   Il est temps de renouveler notre engagement envers l’essentiel de notre travail, qui est de permettre aux artistes de raconter des histoires, de révéler des significations, de rassembler des gens dans un espace où ils peuvent ensemble vivre une expérience.

Avec le regard tourné vers l’avenir, nous devons redéfinir notre place dans la communauté, servir d’institutions piliers et nous voir non pas comme des bénéficiaires, mais plutôt comme des partenaires de la reprise.

Nous sommes au commencement de la route, et le cheminement sera du jamais vu. Il faudra réimaginer nos organisations et tracer un parcours en visant de nouveaux résultats. En définissant la destination souhaitée, tout en conservant l’agilité voulue pour nous adapter aux réalités nouvelles, nous pourrons mesurer les progrès et modifier et rééquilibrer les ressources à la lumière des acquis. Nous avons déjà observé la triste réalité et le triage requis pour faire presque arrêter un secteur au complet. Comme observateurs et conseillers, nous croyons distinguer cinq étapes dans la relance fructueuse du secteur des arts et de la culture.

Résumé

  1. RÉSILIENCE : Rester engagé et garder le contact. Cibler sa raison d’être. Remettre en question les hypothèses.
  2. PRÉPARATION : Miser sur une mobilisation élargie, étudier le marché, recueillir des données, explorer de nouveaux scénarios.
  3. RÉIMAGINATION : Concevoir et réaliser un avenir différent.
  4. RECAPITALISATION : Présenter et défendre une nouvelle proposition de valeurs, de nouveaux modèles opérationnels et de nouveaux partenariats.
  5. RETOUR : Procéder à une mise à l’échelle et aller progressivement à la rencontre des communautés, là où elles se trouvent.

1. Résilience

Il y a quelques semaines à peine, les organisations culturelles piliers s’attendaient à de bons résultats pour l’exercice en cours étant donné que rien ne semblait pouvoir freiner la plus longue période de croissance ininterrompue.

Le secteur entrevoyait des occasions futures, y compris une intégration plus profonde dans la communauté, une plus vaste mobilisation et la poursuite des engagements en matière d’équité et d’inclusion. Puis, en un clin d’œil, tout a été chamboulé. Sa première action pour assurer sa continuité à long terme a été de se concentrer sur ses atouts les plus importants : les effectifs et les lieux. Déjà, les actions de triage initiales cèdent la place à des stratégies favorisant un engagement communautaire et un contenu virtuel à la fois généraux et ponctuels.

Nous devons effectuer un virage pour réexaminer notre « raison d’être » fondamentale et nous concentrer de manière très pointue sur le maintien du contact avec nos communautés (locales, régionales ou mondiales) au fur et à mesure que le chemin à parcourir se précise. C’est le moment d’affirmer notre résolution à mobiliser l’ensemble de nos communautés dans toute leur diversité, des artistes aux publics, des résidents aux visiteurs, pour faire largement comprendre la valeur de nos activités et favoriser la reprise. Cette démarche est indispensable pour faire valoir le secteur non pas seulement comme agent économique, mais aussi comme agent du bien collectif.

Stratégies

Atouts : La tâche la plus importante à ce stade consistera à employer les ressources de telle façon que les organisations puissent planifier leur retour et, en fait, leur réouverture. Il faut s’attendre à une tension entre la générosité et les impératifs commerciaux et financiers pratiques, tension qui sera difficile et épuisante à gérer, surtout en ce qui touche les effectifs.

Numérique : La diffusion numérique a certes été adoptée de façon remarquable. Mais de nombreuses questions se posent en ce qui a trait à son utilité et son efficacité économique. Une fois passé l’engouement pour la nouveauté, il sera essential de déterminer ce qui en fait répond à la raison d’être, renforce l’engagement communautaire et crée une valeur.  L’élaboration d’une version « numérique 2.0 » pour le secteur des arts et de la culture exigera des essais et des adaptations. Les normes élevées et l’expertise technique des secteurs du cinéma et de la télévision, sources habituelles de la programmation pour l’écran, signifient que la barre sera haute. On peut éventuellement entrevoir une  collaboration entre les producteurs pour le petit écran, le grand écran et la scène, ou peut-être est-ce impossible de combattre cette concurrence.

2. Préparation

La remise en activité des institutions culturelles piliers sera un long processus.

De la gestion des règlements publics à l’adoption de moyens pour garantir le confort et la sécurité des participants, en passant par la création et la présentation du contenu, le processus sera long et vraisemblablement lent.  Le secteur a dû arrêter rapidement, mais son retour exigera une longue piste de décollage. Pour se préparer, il faudra travailler avec les artistes, producteurs et autres partenaires afin d’élaborer une multitude de scénarios opérationnels faisant entrer en ligne de compte la complexité d’un retour progressif aux opérations. La planification de scénarios sera indispensable pour comprendre les ressources humaines, financières et de direction nécessaires à une reprise. Bien qu’elles ne produisent pas des résultats immédiats, ces démarches sont indispensables à la réussite.

Stratégies

Écouter et apprendre : Il nous faut mieux comprendre le désir et la disposition du marché de participer, ainsi que le mode d’engagement (au fil du temps) souhaité par les intéressés.

Inclusivité : Nos efforts en vue d’avoir une main-d’œuvre diversifiée, d’injecter l’élément de différence dans nos structures de gouvernance et de direction et de mobiliser réellement nos communautés seront mis à l’épreuve. Ils doivent être authentiques.

Regarnir : Il faudra de la patience et des ressources pour ramener les nombreux intervenants qui contribuent au contenu. Vu les difficultés que les gens auront endurées, il faudra recourir à de nouvelles formes de mobilisation et de nouvelles approches de la collaboration.

Engagement : Il faut maintenir sa présence auprès des publics et visiteurs, et rester en contact avec eux.

Exploration : Il faut mettre à l’essai et comprendre les différents scénarios de retour, notamment en ce qui a trait à l’échelle et au volume envisagés, à la nature des partenariats et à l’accès aux ressources indispensables pour réussir.

3. Réimagination

Il ne fait aucun doute qu’en raison de la fermeture abrupte, de la perte immédiate du flux de trésorerie et de la nature d’endettement déjà élevé du secteur des arts et de la culture, il faudra envisager des changements importants dans les modèles opérationnels et la recapitalisation.

La remise en question des éléments essentiels nécessitera des solutions novatrices pour relever les défis d’un retour réussi.

Nous pouvons nous attendre à ce qu’un grand nombre sinon la majorité des organisations artistiques et culturelles soient nécessairement plus petites à leur retour. Il sera indispensable pour chacune d’elles d’énoncer clairement sa raison d’être et de concentrer ses rares ressources sur ce qu’elle fait de mieux, plutôt que sur ce qu’elle a toujours fait.

Il faudra absolument désendetter et recapitaliser des entités et le secteur. Il y a quatre aspects sur lesquels il faut se pencher :

  1. La dette réelle et structurelle;
  2. Le manque de liquidités;
  3. Les coûts d’exploitation élevés, y compris les engagements contractuels;
  4. Les biens matériels coûteux.

Le secteur doit se donner de nouvelles stratégies pour permettre aux créateurs, aux producteurs et aux présentateurs de se concentrer sur les fonctions de base, tout en créant de nouveaux mécanismes pour encourager le réinvestissement et la recapitalisation. Bien qu’une réduction de l’échelle et des consolidations institutionnelles soient sans doute inévitables, il faudra absolument créer des systèmes offrant de vastes occasions d’expression et de participation.

Les structures traditionnelles indépendantes pourraient céder la place à de nouveaux modèles de partage des risques et des récompenses qui réduisent le risque initial et encouragent des résultats positifs.

Stratégies

Philanthropie

Dons individuels : La générosité a toujours été la clé de la viabilité du secteur des arts et de la culture. Les données démontrent que les dons dirigés individuels et individuels ont été indispensables à la reprise suivant la crise financière mondiale de 2008. Il ne sera pas facile de faire face à la concurrence pour des ressources rares, mais les relations qui les sous-tendent sont essentielles.

Collaboration : Vu l’importance du lieu, des fonds de collaboration [régionaux] pour les arts, menés par des donateurs plus modestes et le secteur public, pourraient aussi être importants. Cela exigera une disposition à voir un « gain commun »  où nombre d’organisations en bénéficient.

Politique fiscale : Un autre élément sera de recourir à la politique fiscale pour susciter la générosité. Il faudrait recourir à des mesures initiales visant à accroître la déductibilité des dons de bienfaisance. On pourrait aussi explorer des modèles de financement exonérés d’impôt.

Services partagés : Une deuxième stratégie consistera à réduire les frais généraux. Les formes de collaboration qui accroissent l’efficacité permettront d’utiliser les ressources limitées de manière à ce qu’elles aient plus d’impact.  Des services administratifs collectifs pouvant tirer parti de l’expertise et de la technologie disponibles se révèlent efficaces et seront indispensables à l’efficience des opérations. Les services qui se prêtent à la collaboration incluent la comptabilité, la billetterie, les achats et la gestion des ressources humaines et des avantages sociaux.

Installations : L’expansion des « fiducies pour installations culturelles », inspirées des modèles exemplaires existant à Pittsburgh, Cleveland, New York et Denver, pourrait être une solution pour permettre aux différents éléments du secteur de « se concentrer sur ce qu’ils font de mieux ». Les producteurs peuvent se concentrer sur l’exécution du travail et les exploitants, sur l’administration des immeubles. Ces entreprises se voudront les partenariats public-privé ayant accès à des capitaux, la capacité à exploiter et maintenir les biens, et la créativité requise pour trouver de nouvelles sources de recettes.

Consolidation : On peut s’attendre à des fusions entre des organisations de grande valeur, petites et grandes. La combinaison des énergies créatives d’entités bien et mal nanties, d’une façon novatrice et mutuellement avantageuse, pourrait créer des occasions d’engagement et de service.

Risque: Il faudra adopter des modèles à risques partagés pour inciter les producteurs, les présentateurs, les artistes, les artisans et les publics à regarnir les voies du produit et de la participation.  Il faudrait explorer l’établissement de  partenariats misant sur une réduction des garanties et de l’engagement de dépenses en échange d’avantages en aval.

4. Recapitalisation

Le rétablissement de la capacité du secteur à créer et présenter un contenu exigera de la collaboration et une gestion judicieuse des ressources limitées, en temps, en argent et en leadership.

Le secteur à but lucratif peut recourir à des « marchés financiers efficients » pour créer un capital, mais il faudra impérativement créer un système semblable pour le secteur des arts et de la culture à but non lucratif. Le rendement consistera en une valeur publique, soit de veiller à ce que nos collectivités soient des endroits où les gens veulent vivre et travailler. La philanthropie de capital-risque social et l’investissement à impact social constitueront des éléments de solution. Les fondations et le secteur public, avec leur accès à des capitaux importants, seront des partenaires incontournables de la relance. Il ne faut pas oublier que les ressources feront l’objet d’une concurrence intense. Il sera donc essentiel de se concentrer sur une raison d’être convaincante et des preuves d’avantages pour la collectivité. La reprise culturelle peut être un important pilier de la relance économique en contribuant à l’emploi et en créant une valeur durable en même temps que les autres secteurs.

Stratégies

Leadership : Le leadership est à la base de tout. L’artiste occupe certes une place critique, mais c’est aussi le cas de nos structures professionnelles et de gouvernance. Nous devons doter les conseils d’administration de leaders productifs, représentant les communautés visées et possédant les compétences et ressources dont nous aurons besoin, qui peuvent aider le secteur dans son cheminement vers la réussite. En plein cœur de cette crise, nous avons aussi l’occasion de mieux mener le changement générationnel déjà en cours parmi les cadres à l’échelle de l’organisation.

Structure : Il faudra aussi absolument complètement transformer les modèles opérationnels pour qu’ils soient axés sur les recettes. La philanthropie devrait être considérée comme un capital de placement plutôt que comme une subvention. Cela exigera l’établissement d’un partenariat différent entre les artistes, les administrateurs, les investisseurs et les donateurs. La générosité demeurera certes indispensable à la vitalité, mais il faudra mettre en place des partenariats lucides prévoyant un rendement économique et social pendant que les autres secteurs de l’économie se concentrent sur la reconstruction.

Fabrication d’un espace public : Il faudra aussi absolument créer des partenariats public-privé qui permettent aux artistes et aux organisations de reprendre le travail afin de rendre nos collectivités plus belles, plus réfléchies et plus interdépendantes.  On pourrait inclure parmi les ressources éventuelles des investissements dans les programmes, des prêts d’exploitation à faible taux d’intérêt, des partenariats avec des organismes de réaménagement communautaire et des institutions financières d’aménagement communautaire.

5. Retour

Le secteur des arts et de la culture est avant tout un grand rassembleur.  

Certaines personnes seront sans aucun doute prêtes et disposées à se rassembler rapidement pour partager et célébrer, mais d’autres, clairement, mettront plus de temps à réintégrer les musées, théâtres et salles de spectacles.  Il faudra du temps pour rétablir la masse critique de participation nécessaire pour produire les recettes gagnées qui donnent les résultats voulus. Cela signifie que le secteur des arts et de la culture doit concevoir une voie d’entrée qui se développe avec le temps et envisager un accès aux ressources dans le contexte de la demande locale et régionale. De nombreux leviers se présentent : l’envergure des interventions, leur fréquence, leur déroulement et les espaces (et technologies) choisis en vue de leur exécution.

Il est raisonnable de penser qu’il faudra attendre un certain temps avant que les gens ne se sentent pleinement confiants (il faudra peut-être attendre qu’un vaccin soit mis à l’essai et généralement disponible), ce qui nécessitera un degré plus modeste de distribution, menant à un moment où il sera possible de mettre en place des opérations plus courantes et une échelle d’activité plus normale. Il faudra prendre des décisions épineuses au sujet de ce qui peut reprendre et quand. Durant cette transition, il faudra se montrer réaliste pour ce qui est de la gestion de nos ressources, tout en reconnaissant que nos décisions auront des conséquences réelles sur le gagne-pain de nombre d’artistes et d’administrateurs. Un suivi et une réévaluation constants de la façon dont le secteur rajuste l’échelle de ses activités s’imposeront pour aider les institutions piliers à envisager comment jouer leur multitude de rôles.

Stratégies

Mobilisation : La visibilité et la présence à ce stade du processus seront indispensables, et les manières d’y parvenir varieront selon les producteurs créatifs. Avant que le public n’ait assez confiance pour se rassembler en grand nombre, il est recommandé de se concentrer sur les activités de plus petite envergure, sur des stratégies de mobilisation et d’éducation, d’encourager l’expression créative indirectement et de « rester présent ». Des démarches précoces de mobilisation communautaire porteront fruit, tandis qu’un retour hâtif sur scène passera nécessairement par des efforts pour rendre le travail plus visible et disponible.  Les prestations pourraient être réduites, beaucoup plus informelles et moins élaborées que ce qu’elles peuvent être en définitive, mais l’essentiel sera qu’elles soient en direct, live.

Révélation : Vu la longue piste de décollage que supposent la création et la présentation d’un nouveau produit, l’on pourrait en profiter pour révéler le processus de création pendant que les artistes sont à œuvre et partager la magie de la création en vue de nouer et l’élargir les relations. On pourrait s’inspirer des leçons tirées la transition actuelle au numérique et de l’expérience ainsi acquise pour mieux comprendre les mécanismes efficaces d’ouverture à cette partie de notre travail.

Recalibration : Il faudra absolument réexaminer les coûts de production. La direction, les artistes, les producteurs et la main-d’œuvre, entre autres, devront explorer concrètement des possibilités de réduire les coûts et d’accroître la souplesse économique. Il s’imposera de renégocier les coûts fixes élevés, y compris les conventions collectives conclues en période d’abondance, et d’établir de nouvelles relations de travail.

Sécurité : Certes, la demande refoulée sera réelle, mais comme le sera aussi le souci pour la sécurité personnelle. Les mesures de sécurité en milieu de travail et dans les espaces publics, tant réelles qu’apparentes, constitueront une préoccupation de premier ordre pour les artistes, le personnel et le public.  Il faudra mettre au premier plan des stratégies qui reconnaissent et valorisent les contributions de tous les intervenants nécessaires pour créer un produit artistique. Il faudra miser sur les communications claires et fréquentes.

Patience : Il sera indispensable de répondre à la demande là où elle se manifeste pour faire en sorte que les ressources engagées produisent le rendement voulu. Il faut recouvrer littéralement des centaines de millions de visites annuelles. Cela donne l’occasion non seulement de rallier de nouveau les habitués, mais aussi de recruter de nouveaux clients. Une stratégie explicite, que révèlent des décennies de recherches et de planification de notre part, semble indiquer que si nous nous engageons à « inviter, accueillir et conserver » ceux et celles qui ne font pas encore partie de notre clientèle, nous pouvons augmenter la participation.


Le fait est que la capacité économique et la participation sont appelées à fluctuer. Il faudra donc impérativement nous montrer judicieux du côté de l’offre et réalistes dans nos prévisions. On a déjà bien documenté l’argument fondé sur l’importance du rôle des arts et de la culture et plus particulièrement l’importance critique des institutions culturelles piliers ancrées en place, mais beaucoup d’éléments vont changer.

Des stratégies créatives, réfléchies et innovatrices s’imposent pour retourner à un état florissant. Cela exige une planification attentive et rigoureuse, ainsi que l’établissement de nouveaux partenariats qui réduiront l’endettement du secteur et favoriseront sa recapitalisation.

Cela prendra du temps. Le temps d’agir est maintenant.