L’art de photographier les orchestres

Un entretien avec Tam Lan Truong, expert de la photographie des orchestres
Par Boran Zaza


Si vous avez assisté à notre dernier Rendez-vous des orchestres du Québec, alors vous aurez vu un photographe énergique, enthousiaste et sympathique se promener dans la salle en souriant à tout le monde, capturant différents moments de l’événement avec beaucoup de discrétion et de professionnalisme (certains partagés ci-dessous). Tam Lan Truong s’est établi comme l’un des photographes les plus recherchés de Montréal pour les musicien.ne.s classiques, les ensembles et les organismes, y compris des orchestres tels que l’Orchestre Métropolitain, l’Orchestre classique de Montréal, l’Ensemble Obiora, entre autres, et des artistes tels que Maria Dueñas, Yannick Nézet-Séguin, Lang Lang, et même Michael Bublé. Dans l’article de blog suivant, j’ai eu l’occasion de parler avec Tam de sa façon d’obtenir la photo parfaite, de la manière dont les orchestres peuvent tirer le meilleur parti de leur relation avec un.e photographe et de ce qu’il faut rechercher chez un.e photographe!

1. Comment as-tu commencé à faire de la photographie de musique classique?

Tam : En Allemagne, où j’ai grandi, j’ai passé beaucoup de temps de l’autre côté de l’appareil photo – en tant que musicien classique et interprète. Mon père est un directeur de la photographie qui s’est formé en Russie, et mon grand-père avait le seul studio photo de sa ville au Vietnam. Alors oui, j’ai la photographie dans le sang, mais c’est la musique qui m’a vraiment attiré.

Je me souviens encore de mon premier contrat de photographie de musique classique en 2015. Opera McGill m’a embauché après avoir vu des photos que j’avais prises d’une chorale de Broadway avec laquelle je chantais, et cela a ouvert la porte à un tout nouveau monde. Plus tard cette année-là, l’École de musique Schulich m’a demandé de mettre à jour l’ensemble de son catalogue de photos – tout, des prises de vue de l’orchestre aux photos de concert, en passant par les couvertures de brochures. C’est à ce moment-là que ma carrière de photographe a vraiment décollé.

Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler avec certaines des plus grandes institutions de musique classique de Montréal, comme l’Opéra de Montréal, le Concours Musical International de Montréal, la Salle Bourgie et l’Orchestre Métropolitain. Qu’il s’agisse d’un cocktail de donateurs.trices, d’une performance passionnée à la Maison Symphonique ou de moments amusants en coulisses, capturer le cœur de la musique classique dans une ville comme Montréal est quelque chose dont je suis reconnaissant chaque jour.

2. Comment te prépares-tu à photographier un concert d’orchestre?

Tam : L’un des plus grands défis de la photographie d’orchestre est de trouver les meilleurs angles sans perturber la performance. C’est pourquoi je me rends toujours à la salle en avance pour comprendre l’espace. Je vérifie quelles portes je peux utiliser sans faire de bruit, où je peux me déplacer sans être remarqué par le public, et quels angles pourraient fonctionner le mieux sans attirer l’attention.

Je m’assure également de discuter avec l’orchestre de toute exigence particulière, par exemple s’il y a des moments particuliers qu’ils veulent capter ou des zones que je dois éviter. Ensuite, je nettoie mon matériel, j’examine le programme de la soirée pour faire coïncider mes angles avec les mouvements musicaux et je prépare tout. Ainsi, lorsque la musique commence, je suis au bon endroit pour prendre les photos dont j’ai besoin sans être gêné.

3. Quel est ton matériel photographique de choix lorsque tu es engagé pour un concert d’orchestre?

Tam : Photographier des orchestres, c’est avant tout une question de contexte. Les salles de concert sont sombres, l’éclairage ne change pas et tu ne peux pas beaucoup bouger parce que le public ne doit même pas savoir que tu es là. Et crois-moi, ils le remarqueront si tu ne fais pas attention – contrairement à un concert de rock, rien ne bouge dans la salle, pas même les musicien.ne.s! Il est donc essentiel de rester discret.

C’est pourquoi j’utilise deux boîtiers d’appareil photo sans miroir dotés d’un mode « photographie silencieuse » – pas de clics, juste des captures silencieuses. Mes lentilles Nikon font une mise au point automatique silencieuse à l’aide d’une technologie avancée, ce qui garantit que je ne perturbe pas la performance. Cette configuration me permet non seulement de rester invisible, mais aussi de capturer chaque détail avec précision, des expressions subtiles des musicien.ne.s à la grandeur de la salle de concert. Je garde mon matériel à portée de main avec une ceinture à outils noire solide, et je porte toujours ma tenue de prédilection : une chemise noire, un pantalon gris et des chaussures confortables, élégantes et qui ne grincent pas.

Pour les gros plans qui capturent l’engagement de chaque musicien.ne, je me fie à un long objectif. Pour mettre en valeur toute la beauté de la salle de concert et de l’orchestre entier, je passe à l’appareil photo avec l’objectif grand angle. Et lorsque je dois être complètement invisible – comme pendant le Concours Musical International de Montréal – je sors mon arme secrète : une caméra sur un bras robotisé, installée à l’avance et contrôlée à distance. Cette configuration me permet de capter l’émotion et l’atmosphère du spectacle sans jamais me gêner.

Une photo d’action du Concours musical international de Montréal – 2019 | Crédit : Tam Photography

4. Quelles sont les 5 principales qualités qu’un.e photographe d’orchestre doit avoir?

Tam:

Être photographe d’orchestre exige un mélange unique de compétences et de qualités. Tu dois :

  1. Être un.e musicien.ne : Connaître le rythme et le flux de la musique t’aide à anticiper ces moments clés qui rendent une prise de vue spéciale.
  2. Être un.e professionnel.le : Être à l’heure est une évidence. Il faut ensuite tenir ses promesses, être poli et respecter l’atmosphère du spectacle.
  3. Être humain : Reste présent et ouvert à ce qui se passe autour de toi. Établir une connexion avec les musiciens et comprendre leur énergie peut conduire à des photos plus authentiques.
  4. Être un artiste : La créativité est essentielle. Qu’il s’agisse de trouver un nouvel angle ou de capturer une émotion fugace, être spontané et rechercher la nouveauté est ce qui rend chaque prise de vue unique.
  5. Être adaptable : Chaque représentation est différente, et les choses ne se passent pas toujours comme prévu. La capacité à s’adapter rapidement aux changements, qu’il s’agisse d’ajuster l’éclairage ou de répondre à une demande de dernière minute, est cruciale.

5. Comment réussis-tu à prendre la photo d’action parfaite d’un.e chef.fe d’orchestre ou de musicien.ne.s?

Tam : La musique est une question de changement – les notes, les humeurs, tout change en un instant. Un moment magique peut durer juste une seconde, et tu pourrais le manquer si tu ne fais que regarder.

C’est pourquoi je me fie autant à mes oreilles qu’à mes yeux. Étant moi-même musicien, j’ai appris à écouter pour repérer ces moments magiques : la montée en puissance des cordes, un changement soudain de dynamique, ou la façon dont l’énergie d’un chef d’orchestre se transforme avant un grand crescendo. C’est la musique qui me guide vers la prise de vue parfaite, souvent avant même que le moment ne se produise, ce qui me permet de capturer systématiquement l’émotion et l’intensité qui définissent une performance.

Yannick Nézet-Séguin dirige l’Orchestre Métropolitain | Crédit : Tam Photography
Daniel Bartholomew-Poyser dirige l’Ensemble Obiora | Crédit : Tam Photography

6. Comment les orchestres peuvent-ils être de bons clients pour toi et d’autres photographes?

Tam : Pour obtenir les meilleurs résultats, il est important de commencer par une communication claire. J’ai besoin des détails habituels : où, quoi, qui et quand. Mais il est également utile de connaître les prises de vue spécifiques que l’orchestre recherche. Par exemple, si un orchestre a un nouveau chef ou une nouvelle cheffe, je peux me concentrer davantage sur la capture de sa présence. Si des photos sont nécessaires dans les 24 heures pour les réseaux sociaux ou les communiqués de presse, c’est quelque chose que je peux aussi accommoder.

Plus il y a d’informations fournies à l’avance, mieux je peux adapter la prise de vue aux besoins de mes clients. Il est également utile de discuter à l’avance de toute demande spéciale ou de tout défi potentiel. Peut-être que certaines sections ont besoin de plus d’attention que d’autres. Peut-être que le chef d’orchestre préfère un certain côté. Une communication ouverte permet non seulement de s’assurer que nous sommes sur la même longueur d’onde, mais aussi de maximiser l’impact des photos que nous créons ensemble.

Bien sûr, en cas d’incertitude, il suffit aussi de m’indiquer la date, l’heure et le lieu, et je m’occupe du reste.

7. De ton point de vue, en plus des photos de concert/de l’orchestre et du.de la chef.fe d’orchestre, qu’est-ce que les responsables marketing devraient demander à un.e photographe lorsqu’ils l’engagent?

Tam : En plus des photos habituelles du concert et du chef d’orchestre, je suggère toujours d’obtenir des photos des coulisses. Capturer ces moments où les musicien.ne.s s’échauffent, discutent ou se détendent simplement ajoute une touche personnelle qui résonne vraiment avec le public. Ces photos sont parfaites pour les sites Web, les réseaux sociaux et les présentations, car elles donnent aux gens un aperçu de la vie de l’orchestre. Bien sûr, cela peut ajouter une heure supplémentaire au tournage, mais si nous le faisons le jour du concert, c’est plus efficace et cela peut permettre d’économiser sur les coûts.

En plus, cela fournit à tes musicien.ne.s du contenu qu’ils peuvent fièrement partager sur leurs réseaux sociaux, ce qui augmente la portée de ton orchestre de manière organique. Cela favorise également le sentiment d’appartenance à l’orchestre.

D’autres prises de vue qui amélioreront l’histoire que tu racontes sur tes concerts sont des prises de vue qui mettent en valeur ton public avant, pendant et après le concert.

Photo d’un événement de remerciement des donateurs.trices de l’Orchestre Métropolitain | Crédit : Tam Photography

8. Comment fais-tu pour que tes photos soient intéressantes et uniques pour chaque orchestre/concert alors que les conditions d’éclairage sont souvent très similaires dans les salles de concert et que tous les musiciens sont habillés de la même façon?

Tam : L’année dernière, j’ai photographié une trentaine de concerts à la Maison symphonique. L’éclairage était à peu près le même à chaque fois, et bien sûr, tous les musicien.ne.s étaient vêtus de leur noir habituel. Alors, comment faire pour que les prises de vue restent intéressantes lorsque la configuration ne change pas beaucoup? L’astuce n’est pas dans le quoi – tu pourrais le voir comme un groupe de personnes sur scène avec leurs instruments pendant que le.la chef.fe d’orchestre agite les bras. C’est le comment – comment les individus s’unissent pour créer quelque chose de spécial.

En tant que photographe, tu dois être pleinement présent. Écoute la musique et observe attentivement le spectacle. Concentre-toi sur l’isolement des individus, des sections et du.de la chef.fe d’orchestre. Fais attention à leurs mouvements et à leurs tendances. Ensuite, capture les moments où l’énergie se transforme et où la magie opère. C’est là que tu trouveras quelque chose d’unique à chaque fois, même si tout le reste reste inchangé.

9. Quelles sont les trois choses que les orchestres peuvent faire pour que leurs photos de concert se distinguent instantanément?

Tam : Voici trois choses que tu peux faire pour que tes photos de concert se démarquent vraiment :

  1. Joue avec l’éclairage : L’éclairage peut complètement changer l’atmosphère de tes photos. Prends l’exemple de l’Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes à la Maison Symphonique – lors de certains concerts, ils ajoutent des lumières supplémentaires en arrière-plan, créant des motifs et des couleurs qui correspondent à la musique. Le simple fait de modifier un peu l’éclairage peut faire une énorme différence dans la façon dont ton concert est capturé.
  2. Ajoute des éléments uniques : Faire quelque chose d’inattendu peut faire ressortir tes photos. Par exemple, j’ai vu l’Ensemble Caprice demander à ses chanteurs de la première rangée de lancer des roses dans le public à la fin d’un morceau – cela a donné des photos étonnantes et dynamiques. L’Orchestre Classique de Montréal a fait appel à des danseurs de tango lors d’une représentation de Piazzolla, ce qui a ajouté du mouvement, de l’énergie et de la passion, ce qui s’est vraiment reflété dans les photos.
  3. Choisis un thème de couleur ou un détail particulier : Même de petites touches visuelles peuvent permettre à ton orchestre de se démarquer. L’Ensemble Art Choral a demandé à tout le monde de porter un accent rouge pour un concert intitulé « Une soirée viennoise », ce qui a donné un effet saisissant sur scène. 

Cela n’a pas besoin d’être compliqué. Les musicien.ne.s étant généralement vêtus de noir et assis sans bouger sur scène, même le plus petit détail peut permettre à ton orchestre de se démarquer visuellement.

Danseurs de tango lors d’une représentation de l’Orchestre classique de Montréal | Crédit : Tam Photography
Différents éclairages à la Maison Symphonique lors d’un spectacle de Les 9 de Montréal | Crédit : Tam Photography

10. Qu’est-ce que les orchestres peuvent attendre de toi lorsqu’ils travaillent avec toi?

Tam : Tout ce que j’ai mentionné sur le fait d’être musicien, professionnel, humain, artiste et adaptable entre en jeu lorsque tu travailles avec moi. Je m’engage à apporter toutes ces qualités dans notre collaboration pour m’assurer que tu obtiennes les meilleurs résultats.

En ce qui concerne les livrables, si nous tournons pendant un bloc de deux heures, tu peux t’attendre à environ 40 à 60 bien belles photos dans un délai d’une semaine. Moyennant un supplément, je peux aussi faire une sélection de 5 à 10 photos pour les réseaux sociaux le lendemain.

Mon objectif est d’aider à rendre la musique classique accessible au plus grand nombre, et une grande partie de cela consiste à contribuer à l’image qu’un orchestre présente. C’est pourquoi je propose différents forfaits pour répondre à différents besoins. Par exemple, je peux faire une séance d’une heure avec un nombre déterminé de photos éditées si cela correspond au budget. Je peux également proposer des rabais lorsque je suis engagée pour une saison entière, afin de rendre la chose plus abordable. Je comprends tout à fait que les budgets des orchestres peuvent varier énormément, qu’il s’agisse de grandes institutions ou de groupes dirigés par des bénévoles.

Pour en savoir plus sur Tam Lan Truong, clique ici : https://www.tamphotography.net/

  https://www.tamphotography.net/

 

A propos de Tam Lan Truong

A headshot of Tam Lan Truong. He is wearing a brown shirt, a black blazer and is smiling.

Diplômé de la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, parlant couramment l’anglais, le français, le vietnamien et l’allemand, ma carrière de photographe professionnel et d’artiste est façonnée par une perspective globale et une véritable passion pour la musique classique. Cette passion est enracinée dans un héritage familial de cinéastes et de photographes, ce qui me pousse à capturer des moments qui racontent une histoire significative.

Au cours des neuf dernières années, j’ai développé une forte présence sur la scène de la musique classique à Montréal, gagnant la confiance de clients tels que le Concours Musical International de Montréal, l’Orchestre Classique de Montréal, l’Opéra de Montréal, l’École de musique Schulich et GFN Productions. J’ai eu le privilège de raconter visuellement leurs moments les plus importants. Mon travail a été présenté dans des publications respectées telles que The Strad et CBC, reflétant l’impact et la portée de ma photographie.

J’ai eu l’occasion de collaborer avec des artistes de renommée internationale comme Maria Dueñas, Yannick Nézet-Séguin, Lang Lang et Michael Bublé, mais ce ne sont là que quelques-uns des points saillants de la gamme diversifiée de projets auxquels j’ai eu la chance de participer, tant à Montréal qu’à l’extérieur.

Ma formation de musicien classique enrichit mon approche artistique et approfondit mon lien avec la musique et ses interprètes, ce qui me permet de capturer des moments avec authenticité et sensibilité. Ce mélange de musique et de photographie n’est pas seulement ma profession ; c’est une passion qui me pousse à créer des images qui célèbrent l’héritage et la beauté de la musique classique.

 

Nouveaux publics et comment les retenir : Ce que j’ai appris à Classical:NEXT

Headshot of Boran Zaza

Par Boran Zaza, directrice des communications et du développement d’Orchestres Canada


Trois mois se sont écoulés depuis mon retour de Berlin, où j’ai assisté à Classical:NEXT (C:N), le plus grand rassemblement mondial de professionnels de la musique artistique. J’ai assisté à de nombreuses sessions du congrès axées sur les orchestres, principalement sur les thèmes des modèles de leadership innovants, de la durabilité environnementale dans les orchestres et du sujet du billet d’aujourd’hui, les tendances et les outils en matière de public.   

Ce n’est un secret pour personne que le public des orchestres vieillit et diminue, tant au Canada qu’à l’échelle mondiale. Alors, comment attirer et fidéliser de nouveaux publics? C’est exactement ce qu’a proposé une séance du congrès C:N intitulée The Complete Audience Toolbox : A practical guide to getting larger audiences into the concert hall (La boîte à outils complète en matière de public : un guide pratique pour attirer un plus grand nombre de spectateurs dans les salles de concert). La session était animée par les consultants culturels danois Cecilie Szkotak Nielsen et Søren Mikael Rasmussen de RasmussenNordic   

Cecilie et Søren ont développé le projet Tutti avec DEOO (Danish Ensembles, Orchestras and Opera Institutions). Au cours de leur collaboration, dix orchestres danois se sont penchés sur le développement de leur public et sur l’acquisition de nouveaux publics. Leur méthodologie est simple : ils ont invité 28 personnes qui assistaient pour la première fois à un concert et ont partagé leurs expériences sans filtre dans le cadre d’entretiens prolongés après les concerts. Le résultat ? Un rapport détaillé (et téléchargeable!) contenant des informations extrêmement intéressantes qui peuvent aider les orchestres à mieux comprendre ce qui motive (ou démotive) les personnes qui achètent des billets pour la première fois à revenir pour une deuxième (troisième…quatrième…cinquième) expérience orchestrale.     

Ce projet et ce rapport m’ont rappelé une expérience similaire menée par Aubrey Bergauer et le California Symphony en 2016-17, appelée Orchestra X. Dans le cadre de cette expérience, l’orchestre a invité des millénaires et des jeunes de la génération X (par ailleurs largement absents du public du California Symphony) à assister à quelques concerts du California Symphony, puis à débriefer leurs expériences – en groupe – autour d’une pizza et d’une bière.  Le processus et les résultats sont documentés dans deux articles publiés sur Medium : Introducing Orchestra X et Orchestra X : The Results. 

Revenons au projet et au rapport Tutti : le rapport a identifié plusieurs obstacles qui ont fait que les participant.e.s sélectionnés n’ont pas voulu revenir après leur expérience de concert. En réponse, les orchestres danois et RasmussenNordic ont développé un ensemble de 26 outils et 6 listes d’inspiration pour aider à lever les barrières à l’entrée et inspirer les orchestres à répondre de manière plus réfléchie aux exigences des nouveaux publics de la musique classique. Ces outils et ces sources d’inspiration sont présentés dans un livre intitulé Tools for Orchestras and Ensembles : Get more Audiences (Outils pour les orchestres et les ensembles : augmentez votre public). 

Lors du congrès C:N, Cecilie et Søren ont partagé des informations précieuses tirées du rapport et du livre. Voici ce que j’ai retenu de cette session : 

 

1- La marque des orchestres est… sans rapport avec le public!

Kelvin, 20 ans, était l’un des participants à l’étude de cas. Il est intéressé et curieux par la musique classique. Il dépense environ 1 000 euros par an pour des expériences culturelles, mais les concerts classiques n’en font pas partie. « J’ai vu les affiches en ville. Les Blancs sévères et âgés avec leurs instruments ne m’ont pas parlé », a-t-il déclaré.   

Comment les orchestres peuvent-ils résoudre ce problème ? Parmi les outils proposés dans le livre, RasmussenNordic suggère d’essayer de remplir la promesse de marque suivante :   

« Avec nous, le public fera l’expérience de _______, _______ et _______. »  

« Nous vous promettons _____________________.  

« De la musique qui _____________________. »  

“Une expérience ___________________.” 

Les dix orchestres participants ont eu du mal à répondre à ces questions, ce qui n’est pas surprenant : la promesse de marque n’est plus axée sur l’orchestre, mais sur l’expérience du public. Certains orchestres se sont demandé s’ils ne perdraient pas ce qui les différencie s’ils se contentaient de s’inspirer des membres du public. Pourtant, si nous examinons les images et visuelles de nos orchestres que nous utilisons pour commercialiser nos événements et mettre en valeur notre marque, nous constatons qu’elles sont toutes identiques! (J’en ai fait la preuve en examinant les sites web d’orchestres de différents continents : il est difficile d’affirmer qu’ils promeuvent une marque unique lorsque les photos sont presque identiques. Voir la preuve ci-dessous). En résumé, en écoutant votre public et en axant votre marque sur lui, vous pourriez commencer à vous démarquer!

Symphony Orchestra of India
KBS Symphony Orchestra – Korea
Syrian Expat Philharmonic Orchestra
Orchestre national de France
Austin Symphonic Band
Royal Stockholm Philharmonic Orchestra

 

2- Programmation artistique : Les nouveaux publics ne la comprennent pas

Les publics qui découvrent les orchestres et la musique classique disposent généralement de très peu d’outils pour les aider à déterminer s’ils aimeront ou non un concert. Nous annonçons des pièces et des compositeurs.trices dont ils n’ont jamais entendu parler, au lieu de les séduire avec des concepts qui les aident à comprendre ce qu’ils peuvent attendre de l’expérience d’un concert. L’équipe de RasmussenNordic suggère qu’au lieu de superposer maladroitement un concept à un programme au stade du marketing (lorsqu’il est trop tard!), il devrait faire partie intégrante du travail de programmation. Pour ce faire, RasmussenNordic a mis au point un outil, le Concept Compass, que vous trouverez ci-dessous. En outre, ils suggèrent que les responsables du marketing et les musicien.ne.s fassent partie du processus de programmation, afin de favoriser la compréhension et l’engagement au sein de l’organisme. De cette manière, toutes les parties peuvent participer à la transmission du concept aux publics nouveaux et établis.   

Concept Compass de RasmussenNordic

 

3- La narration est essentielle : faites-vous appel à l’imagination des gens?  

Une fois que vous avez un concept de concert, les consultants suggèrent de l’accompagner d’une histoire inspirante, pour donner des repères aux spectateurs. Caroline, une participante à l’étude de cas, a déclaré qu’elle pensait aimer la musique classique, mais qu’après avoir assisté à un concert, elle avait décidé de ne pas y retourner. Elle cherchait une activité qui catalyserait son imagination, l’emmènerait dans d’autres mondes et l’aiderait à vivre les choses différemment.  Mais son expérience du concert n’a pas été à la hauteur. Pouvons-nous aider des personnes comme Caroline à vivre nos concerts différemment?   

Les consultants suggèrent de développer une grande histoire pour chaque concert, en s’inspirant de la musique, d’une anecdote personnelle, d’une histoire sur les instruments ou sur le compositeur.trice. Par exemple, si le concept de concert choisi est « Au bal royal », l’histoire de soutien pourrait ressembler à ceci : « Venez faire un voyage dans le temps, à l’époque où les rois festoyaient dans les châteaux, assis dans de somptueuses salles de marbre, vêtus d’argent et d’or. Imaginez que vous êtes invité à un mariage royal. La lumière des lustres vous enveloppe d’une splendeur dorée tandis que des airs entraînants vous invitent à danser. »  

Votre imagination s’est éveillée?  

Cecilie et Søren se présentent à Classical:NEXT – Photo par Boran Zaza

4- Il est essentiel d’avoir de grandes compétences en matière d’accueil  

Les personnes qui assistent pour la première fois à un concert arrivent généralement dans la salle de concert sans avoir été saluées ou accueillies. Ils s’assoient à leur place, les musicien.ne.s et le.la chef.fe d’orchestre montent sur scène sans dire un mot, et tout le monde – sur scène et dans le public – quitte ensuite la salle sans dire au revoir. Ces personnes qui assistent pour la première fois à un concert ne sont pas non plus invitées à rester en contact.   

Pouvons-nous être de meilleurs hôtes?  Comment? Pensez aux expériences chaleureuses et mémorables que vous avez vécues lorsque vous avez été accueilli de manière attentionnée, que ce soit lors du souper d’un.e ami.e ou dans votre restaurant ou hôtel préféré. C’est l’ambiance que vous voulez créer. Et si vous proposiez aux personnes qui achètent des billets pour la première fois de les aider à choisir leur premier concert? Et si quelqu’un les salutait avec un sourire lorsqu’ils entrent et leur demandait ce dont ils ont besoin? Et si vous leur demandiez après le concert : « Qu’avez-vous pensé de cette expérience? Avez-vous passé un bon moment? Qu’aurions-nous pu faire de mieux? Quand vous reverrons-nous? »  

Un orchestre a fait l’expérience d’offrir un enregistrement gratuit du concert aux personnes qui s’inscrivaient à son infolettre après le concert, et a fait état de longues files d’attente pour s’inscrire, car les gens aimaient l’idée d’avoir un souvenir à partager avec leur famille et leurs ami.e.s. Même si nous ne pouvons pas offrir d’enregistrements, y a-t-il des moyens d’aider les spectateurs.trices à maintenir et à partager l’expérience que nous avons créée pour eux? 

Crédit: Classical:NEXT, #Cnext24
Photo: twinematics

 

Voilà qui conclut la série de trois articles de blog consacrés à mon séjour à C:N! Pour avoir un aperçu de l’expérience C:N sous forme de vidéo, consultez les histoires Instagram que j’ai publiées pendant mon séjour à Berlin! Je suis profondément reconnaissante du généreux financement accordé par le Conseil des Arts du Canada dans le cadre du Perfectionnement des professionnels des arts : Appuyer la pratique artistique qui a rendu possible mon voyage en Allemagne pour assister à Classical:NEXT.

 

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien.

Logo, Canada Council for the Arts logo

10 perspectives : Que veut le public des arts de la scène aujourd’hui?

Le 22 juin, Orchestres Canada, en partenariat avec CAPACOA et l’Association pour l’opéra au Canada, a présenté un webinaire gratuit sur les dernières tendances et recherches en matière d’achat de billets du public des arts de la scène. Eric Nelson de TRG Arts a présenté une recherche sur le rétablissement des arts de la scène après une pandémie, et Zander Kyba d’AudienceView a présenté et analysé la recherche sur les acheteurs de billets recueillie par leur équipe.   

Nous avons rassemblé 10 idées tirées de leur présentation qui aideront les orchestres à améliorer leurs résultats, cinq d’Eric et TRG Arts et cinq de Zander et AudienceView.   

 

10 perspectives : Que veut le public des arts de la scène aujourd’hui?   

 

Perspectives d’Eric et de TRG Arts  

1.Nous devons rivaliser avec le canapé  

Eric a expliqué que pour concurrencer le confort de la maison, les organismes doivent s’appuyer sur la valeur intrinsèque du rassemblement et de l’expérience élevée. Les spectateurs.trices recherchent des expériences immersives, ludiques, diversifiées et/ou avec des technologies omniprésentes.   

2. Les dons diminuent  

Lorsque nous comparons le quatrième trimestre de 2022 et le premier trimestre de 2023 aux mêmes trimestres de 2019, nous obtenons des informations très intéressantes sur la récupération des revenus après une pandémie. Tout d’abord, nous pouvons constater que les recettes sont en baisse de 5 %, mais que les unités ne sont en baisse que de 17 %. Cela indique que, bien que la fréquentation des événements soit en baisse, ceux qui y participent dépensent plus qu’avant la pandémie. Les recettes provenant des dons racontent une histoire différente. Les dons sont en baisse de 38 % en termes de recettes et de 24 % en termes d’unités, ce qui signifie qu’il y a moins de personnes qui font des dons et que celles qui le font donnent moins qu’avant. Pour remédier à cette situation, Eric recommande de parler aux donateurs.trices et de chercher à savoir ce qui les empêche de faire autant de dons qu’auparavant. Nous examinerons plus loin d’autres stratégies pour faire revenir les donateurs.trices.   

3. Examinez de plus près la fidélisation des donateurs.trices  

Qu’est-ce que RFMC? TRG Arts propose cette anagramme pour analyser l’engagement et la fidélité des mécènes :   

  • Récurrence : S’engagent-ils d’une manière ou d’une autre chaque année?  
  • Fréquence : S’engagent-ils fréquemment au cours d’une même saison?  
  • Monétaire : Comment se situe leur investissement financier?  
  • Croissance : Pouvons-nous compter sur la constance (ou l’augmentation) de leur investissement/activité chaque saison?  

Tels sont les paramètres que nous devrions évaluer lorsque nous envisageons des programmes de fidélisation et un marketing ciblé.  

4. Les nouveaux clients arrivent, mais ils ne restent pas!  

TRG Arts divise les clients en segments qui couvrent le large spectre de la fidélité au sein de la base de données d’un organisme. Ils décrivent trois niveaux d’engagement et les segmentent plus en détail ci-dessous : acquisition, client actuel et réengagé :  

Acquisition  

  • Nouveau client : N’a jamais effectué de transaction auparavant.  

Client actuel  

  • Une fois auparavant : A effectué une transaction au cours des 18 derniers mois.  
  • Converti : A effectué deux transactions auparavant et au moins une au cours des 18 derniers mois.  
  • Actif : A effectué de 3 à 9 transactions dans son historique et au moins une fois au cours des 18 derniers mois.   
  • Super actif : A effectué 10+ transactions dans son historique et au moins une fois au cours des 18 derniers mois.   

Réengagé   

  • Stable : la dernière participation, avant l’achat le plus récent, remonte à 18-36 mois.   
  • Abandonné : la dernière participation, avant l’achat le plus récent, remonte à 3 ans ou plus.   

À partir de ces segments, TRG Arts a recueilli des données qui montrent une participation significative des nouveaux clients, mais qui perdent de l’élan chez les anciens clients et les clients convertis. Cela nous indique que le taux d’attrition des consommateurs est plus élevé que jamais et que les organismes doivent prendre des mesures supplémentaires pour fidéliser les nouveaux clients.   

5. La génération X et les milléniaux participent davantage!  

Enfin, Eric a présenté des données divisées par génération et provenant exclusivement des orchestres de l’ensemble des données. TRG Arts a constaté que la participation de la génération X et des milléniaux a augmenté après la pandémie, tandis que celle des générations plus âgées a diminué. Pourtant, les baby-boomers restent les plus grands donateurs.trices de l’ensemble des données. Les contributions des milléniaux ont augmenté, mais celles de la génération X sont restées stagnantes. Eric a souligné que les mécènes de la génération X devraient être proches du sommet de leur potentiel de revenus et devraient donc être des philanthropes plus importants. Il recommande aux organismes de s’adresser à ce groupe démographique et de faire un effort ciblé pour le mobiliser.   

 

Perspectives de Zander et d’AudienceView  

6. 41% des mécènes assistent à moins d’événements qu’avant la pandémie  

Zander a commencé sa partie du webinaire en révélant que, selon les données d’AudienceView, la plupart des spectateurs.trices assistent au même nombre de spectacles, voire plus, qu’avant la pandémie. Cependant, 41 % des spectateurs.trices assistent à moins d’événements qu’en 2019. Alors, comment faire revenir ces personnes?   

Les données d’AudienceView ont révélé que 63% des mécènes ont déclaré que les ventes de billets et les rabais les inciteraient à assister à davantage d’événements, suivis par de nouveaux spectacles et contenus apportés à la salle. La troisième option la plus populaire est celle des abonnements et des forfaits offrant flexibilité et valeur.   

7. Les spectateurs.trices recherchent des expériences de haut niveau  

Les données d’AudienceView ont également révélé que les spectateurs.trices sont à la recherche d’expériences complètes et élevées lorsqu’ils assistent à des événements, 4 personnes sur 5 déclarant qu’elles préfèrent associer la participation à un événement à une autre expérience. Les spectateurs.trices cherchent à vivre une après-midi ou une soirée complète en associant un repas ou une boisson à leur expérience. M. Zander suggère aux organismes de s’associer à des établissements de restauration pour proposer des forfaits ou des réservations en même temps que l’achat de billets.   

8. Les achats aux guichets et par téléphone sont en hausse  

AudienceView indique que si la plupart des spectateurs.trices préfèrent cette année encore acheter leurs billets en ligne, 20 % d’entre eux ont déclaré préférer acheter leurs billets en personne ou par téléphone au guichet. Ce chiffre est intéressant car les données de l’année dernière montraient que seulement 13 % des spectateurs.trices préféraient acheter en personne ou par téléphone, ce qui représente une augmentation significative.   

En outre, M. Zander a souligné que lorsqu’on leur demandait pourquoi ils abandonnaient leurs achats, 39 % des clients déclaraient que les frais ajoutés en ligne étaient inattendus et trop élevés. C’est pourquoi il a suggéré que les organismes informent les clients dès le début de leur parcours d’achat de l’existence de ces frais ou qu’ils les intègrent dans le prix des billets, afin qu’ils paraissent moins choquants pour les consommateurs. 

9. Offrez des possibilités de dons tout au long du parcours de l’utilisateur   

Les données d’AudienceView suggèrent que les mécènes sont invités à faire des dons à plusieurs étapes de leur parcours d’achat. Lorsqu’on leur a posé la question, les mécènes ont donné une multitude de réponses. Les deux réponses les plus fréquentes sont : en ligne, séparément du processus d’achat des billets, et en personne, lors de l’événement, séparément du processus d’achat des billets. Vient ensuite l’achat en ligne pendant le processus d’achat des billets. Cela suggère que les organismes devraient offrir des possibilités de faire des dons à plusieurs endroits tout au long du parcours de l’utilisateur afin de répondre à toutes les préférences.  

10. Les mécènes veulent une exclusivité en échange de leurs dons  

Alors, comment persuader les mécènes de faire un don lorsque nous le leur demandons? Les données d’AudienceView suggèrent quelques stratégies, dont la plupart donnent un sentiment d’exclusivité. Les principaux exemples sont l’accès anticipé à l’achat de billets d’événements, les déductions fiscales et l’accès à des événements exclusifs pour les donateurs.trices. Les données montrent également que les mécènes sont plus enclins à faire des dons lors de collectes de fonds publiques organisées par des lieux et des associations qui partagent des objectifs spécifiques. Les gens veulent savoir où va leur argent, c’est pourquoi M. Zander recommande de le préciser dans les communications relatives aux collectes de fonds.  

 

Nous tenons à remercier Eric et Zander pour avoir partagé leurs idées et leur expertise sur ce sujet! Nous remercions également nos coprésentateurs, CAPACOA et l’Association pour l’opéra au Canada. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce qu’Eric et Zander ont partagé ou revoir l’enregistrement et le jeu de diapositives de leurs présentations, consultez le site https://oc.ca/fr/resource/la-relance-des-arts-de-la-scene-que-veut-le-public-aujourdhui/