Parmela Attariwala & Soraya Peerbaye

L’espace intermédiaire : Cultiver l’équite et la diversité dans les orchestres canadiens

Dans le cadre de notre conférence nationale 2018, L’ethnomusicologue Parmela Attariwala et la consultante en équité dans le domaine des arts Soraya Peerbaye ont présenté les constatations de leur recherche, menée au nom d’Orchestres Canada avec l’appui du programme Leadership pour le changement du Conseil des arts du Canada, sur l’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité dans le secteur orchestral.

L’enregistrement de cette séance est disponible ici en anglais.
Les diapositives sont disponibles ici en français.

L’entrevue suivante a été publiée le 25 mai 2018.

L’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité avec Soraya Peerbaye et Parmela Attariwala

ien qu’on n’associe peut-être pas traditionnellement les mots inclusivité, diversité, équité et accessibilité à l’institution de la musique classique, ils font partie intégrante de la culture commerciale, politique et canadienne. Dans le cadre de sa prochaine conférence nationale, Orchestres Canada accueillera Soraya Peerbaye et Parmela Attariwala, qui animeront deux séances sur ces thèmes et feront état de la recherche qu’elles ont effectuée pour nous. Soraya est auteure, conservatrice et consultante à Toronto et se concentre sur l’équité et la diversité dans les arts. Parmela, elle aussi de Toronto, est violoniste/altiste, compositrice et ethnomusicoloque et s’intéresse à une foule de sujets de recherche comme le multiculturalisme et la démocratie en musique, l’improvisation et la musique de l’Inde médiévale. Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec elles la semaine dernière à propos de la décolonisation dans les arts et l’état de la conversation parmi les orchestres canadiens au sujet de l’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité.

Parmela et Soraya ont entamé leur recherche avec une série de questions visant à déterminer ce que les orchestres font actuellement sur le front de l’inclusivité, la diversité, l’équité et l’accessibilité, à en savoir plus sur les mesures qui se révèlent efficaces et celles qui ne le sont pas et à voir comment Orchestres Canada pourrait intervenir sur ce plan.

La liste de questions incluses dans ce projet a presque immédiatement commencé à s’allonger. « En très peu de temps, nous avons voulu en savoir plus sur la conversation très actuelle dans le milieu des arts au sujet de la décolonisation. Qu’est-ce que ce mot implique sur les plans politique et culturel? Quelles possibilités ouvre-t-il pour une forme d’art issue des traditions culturelles européennes des Blancs. À partir de ces quelques questions, elles voulaient tracer le profil des conversations sur ces thèmes qui ont cours dans le secteur orchestral; elles ont constaté que celles-ci étaient identiques à celles qui se déroulent dans d’autres disciplines artistiques.

Soraya et Parmela ont rencontré les principaux intervenants dans le secteur orchestral, surtout des directeurs généraux et artistiques, pour discuter des façons dont leurs organisations abordent ces questions. « Nous avons rapidement constaté, dit Soraya, qu’en raison du profil même des personnes qui s’investissent dans cette discipline et accèdent à des postes d’autorité dans ce secteur, nos interlocuteurs étaient principalement des artistes et praticiens de race blanche. Nous avons tenu un certain nombre de tables rondes avec des artistes, créateurs et musiciens autochtones pour susciter une exploration plus riche. J’hésite un peu à employer ces mots, mais il est très important pour moi d’élargir le cadre de référence. Pour progresser vers un objectif, il faut le visualiser. Nous voulions non seulement prendre le pouls de la situation, mais aussi connaître l’objectif vers lequel nous tendions. »

Elles-mêmes artistes très actives, Soraya et Parmela ont la chance de pouvoir observer les problèmes qui reviennent dans leurs disciplines tant de l’intérieur que de l’extérieur. « Je critique l’institution de l’orchestre depuis que je suis ethnomusicologue, dit Parmela. J’ai toujours jeté un éclairage culturel sur mon milieu de travail. » Cette capacité à voir globalement l’orchestre comme institution leur a permis de s’impliquer différemment dans la conversation sur les orchestres et la musique orchestrale. « Par exemple, explique Parmela, on en est venu à idolâtrer les orchestres, Beethoven ou la partition d’une symphonie. Mais si on se place dans le contexte du début du 18 e siècle, on voit que cela se situe dans un continuum. Beethoven s’est tout simplement trouvé au bon endroit au bon moment. Contrairement à ces prédécesseurs, il a pu choisir de travailler pour lui-même plutôt que pour l’église ou la cour, ce qui lui a permis de déterminer le caractère de ses compositions. Se trouvant à Vienne, il avait accès à un riche bassin de musiciens ainsi qu’à une formule sonique sur l’utilisation de ces derniers créée par ses prédécesseurs; et surtout, il bénéficiait de l’avènement d’un auditoire payant. »

Ce courant est répandu également dans d’autres formes d’art. De la littérature au cinéma en passant par la danse, on jette maintenant plus que jamais un regard critique sur ce qui est considéré comme extraordinaire (et ceux qui portent ce jugement). Difficiles certes, ces conversations s’imposent néanmoins. « Nous utilisons la langue de manières codées auxquelles nous ne réfléchissons pas vraiment, explique Soraya. Les interventions en matière d’équité exigent de faire remonter à la surface les hypothèses enfouies dans la langue que nous employons. En littérature, nous parlons des classiques, ce qui est étroitement lié aux orchestres et à la notion du répertoire. Qu’est-ce qui est universel et qui décide? Il est intéressant en un sens de tracer ces liens et de déchiffrer les hypothèses fondamentales que nous posons au sujet de notre culture et de la langue que nous employons pour la décrire. »

Bien qu’il s’agisse d’une étude approfondie de l’état actuel des orchestres canadiens, il n’est pas question de recommander des pratiques exemplaires ou une trousse à outils pour l’examen de ces enjeux. Soraya affirme que l’étude se veut plutôt « une reconnaissance du fait que nous nous trouvons à un moment culturel où les conversations et les occasions d’apprentissage se multiplient. » Leur recherche est de vaste envergure, fait observer Parmela, « le Canada est d’une étendue géographique incroyablement vaste. Il existe des différences marquées entre le Canada anglais et le Canada français et les endroits où l’on constate d’autres niveaux de distinction ou d’intégration entre Autochtones et colonisateurs. » La présentation de Soraya et Parmela à la Conférence nationale d’Orchestres Canada constituera une poursuite de cette conversation, à laquelle viendront s’ajouter les commentaires et points de vue de participants à la conférence qui ne faisaient pas partie de l’étude comme telle. Elles présenteront leur recherche dans la matinée du 31 mai et, en après-midi, rencontreront de petits groupes pour discuter des conséquences de leurs observations. En ce qui a trait aux prochaines étapes dans cette recherche, Soraya affirme qu’un changement d’approche est peut-être ce qui s’impose d’abord et avant tout. « C’est ce que nous entendons de tous les autres secteurs. Ce n’est pas une question de changement graduel, mais plutôt d’une transformation de la conversation en cours au cœur de la culture. »