Un entretien avec Tam Lan Truong, expert de la photographie des orchestres
Par Boran Zaza
Si vous avez assisté à notre dernier Rendez-vous des orchestres du Québec, alors vous aurez vu un photographe énergique, enthousiaste et sympathique se promener dans la salle en souriant à tout le monde, capturant différents moments de l’événement avec beaucoup de discrétion et de professionnalisme (certains partagés ci-dessous). Tam Lan Truong s’est établi comme l’un des photographes les plus recherchés de Montréal pour les musicien.ne.s classiques, les ensembles et les organismes, y compris des orchestres tels que l’Orchestre Métropolitain, l’Orchestre classique de Montréal, l’Ensemble Obiora, entre autres, et des artistes tels que Maria Dueñas, Yannick Nézet-Séguin, Lang Lang, et même Michael Bublé. Dans l’article de blog suivant, j’ai eu l’occasion de parler avec Tam de sa façon d’obtenir la photo parfaite, de la manière dont les orchestres peuvent tirer le meilleur parti de leur relation avec un.e photographe et de ce qu’il faut rechercher chez un.e photographe!
1. Comment as-tu commencé à faire de la photographie de musique classique?
Tam : En Allemagne, où j’ai grandi, j’ai passé beaucoup de temps de l’autre côté de l’appareil photo – en tant que musicien classique et interprète. Mon père est un directeur de la photographie qui s’est formé en Russie, et mon grand-père avait le seul studio photo de sa ville au Vietnam. Alors oui, j’ai la photographie dans le sang, mais c’est la musique qui m’a vraiment attiré.
Je me souviens encore de mon premier contrat de photographie de musique classique en 2015. Opera McGill m’a embauché après avoir vu des photos que j’avais prises d’une chorale de Broadway avec laquelle je chantais, et cela a ouvert la porte à un tout nouveau monde. Plus tard cette année-là, l’École de musique Schulich m’a demandé de mettre à jour l’ensemble de son catalogue de photos – tout, des prises de vue de l’orchestre aux photos de concert, en passant par les couvertures de brochures. C’est à ce moment-là que ma carrière de photographe a vraiment décollé.
Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler avec certaines des plus grandes institutions de musique classique de Montréal, comme l’Opéra de Montréal, le Concours Musical International de Montréal, la Salle Bourgie et l’Orchestre Métropolitain. Qu’il s’agisse d’un cocktail de donateurs.trices, d’une performance passionnée à la Maison Symphonique ou de moments amusants en coulisses, capturer le cœur de la musique classique dans une ville comme Montréal est quelque chose dont je suis reconnaissant chaque jour.
2. Comment te prépares-tu à photographier un concert d’orchestre?
Tam : L’un des plus grands défis de la photographie d’orchestre est de trouver les meilleurs angles sans perturber la performance. C’est pourquoi je me rends toujours à la salle en avance pour comprendre l’espace. Je vérifie quelles portes je peux utiliser sans faire de bruit, où je peux me déplacer sans être remarqué par le public, et quels angles pourraient fonctionner le mieux sans attirer l’attention.
Je m’assure également de discuter avec l’orchestre de toute exigence particulière, par exemple s’il y a des moments particuliers qu’ils veulent capter ou des zones que je dois éviter. Ensuite, je nettoie mon matériel, j’examine le programme de la soirée pour faire coïncider mes angles avec les mouvements musicaux et je prépare tout. Ainsi, lorsque la musique commence, je suis au bon endroit pour prendre les photos dont j’ai besoin sans être gêné.
3. Quel est ton matériel photographique de choix lorsque tu es engagé pour un concert d’orchestre?
Tam : Photographier des orchestres, c’est avant tout une question de contexte. Les salles de concert sont sombres, l’éclairage ne change pas et tu ne peux pas beaucoup bouger parce que le public ne doit même pas savoir que tu es là. Et crois-moi, ils le remarqueront si tu ne fais pas attention – contrairement à un concert de rock, rien ne bouge dans la salle, pas même les musicien.ne.s! Il est donc essentiel de rester discret.
C’est pourquoi j’utilise deux boîtiers d’appareil photo sans miroir dotés d’un mode « photographie silencieuse » – pas de clics, juste des captures silencieuses. Mes lentilles Nikon font une mise au point automatique silencieuse à l’aide d’une technologie avancée, ce qui garantit que je ne perturbe pas la performance. Cette configuration me permet non seulement de rester invisible, mais aussi de capturer chaque détail avec précision, des expressions subtiles des musicien.ne.s à la grandeur de la salle de concert. Je garde mon matériel à portée de main avec une ceinture à outils noire solide, et je porte toujours ma tenue de prédilection : une chemise noire, un pantalon gris et des chaussures confortables, élégantes et qui ne grincent pas.
Pour les gros plans qui capturent l’engagement de chaque musicien.ne, je me fie à un long objectif. Pour mettre en valeur toute la beauté de la salle de concert et de l’orchestre entier, je passe à l’appareil photo avec l’objectif grand angle. Et lorsque je dois être complètement invisible – comme pendant le Concours Musical International de Montréal – je sors mon arme secrète : une caméra sur un bras robotisé, installée à l’avance et contrôlée à distance. Cette configuration me permet de capter l’émotion et l’atmosphère du spectacle sans jamais me gêner.
4. Quelles sont les 5 principales qualités qu’un.e photographe d’orchestre doit avoir?
Tam:
Être photographe d’orchestre exige un mélange unique de compétences et de qualités. Tu dois :
- Être un.e musicien.ne : Connaître le rythme et le flux de la musique t’aide à anticiper ces moments clés qui rendent une prise de vue spéciale.
- Être un.e professionnel.le : Être à l’heure est une évidence. Il faut ensuite tenir ses promesses, être poli et respecter l’atmosphère du spectacle.
- Être humain : Reste présent et ouvert à ce qui se passe autour de toi. Établir une connexion avec les musiciens et comprendre leur énergie peut conduire à des photos plus authentiques.
- Être un artiste : La créativité est essentielle. Qu’il s’agisse de trouver un nouvel angle ou de capturer une émotion fugace, être spontané et rechercher la nouveauté est ce qui rend chaque prise de vue unique.
- Être adaptable : Chaque représentation est différente, et les choses ne se passent pas toujours comme prévu. La capacité à s’adapter rapidement aux changements, qu’il s’agisse d’ajuster l’éclairage ou de répondre à une demande de dernière minute, est cruciale.
5. Comment réussis-tu à prendre la photo d’action parfaite d’un.e chef.fe d’orchestre ou de musicien.ne.s?
Tam : La musique est une question de changement – les notes, les humeurs, tout change en un instant. Un moment magique peut durer juste une seconde, et tu pourrais le manquer si tu ne fais que regarder.
C’est pourquoi je me fie autant à mes oreilles qu’à mes yeux. Étant moi-même musicien, j’ai appris à écouter pour repérer ces moments magiques : la montée en puissance des cordes, un changement soudain de dynamique, ou la façon dont l’énergie d’un chef d’orchestre se transforme avant un grand crescendo. C’est la musique qui me guide vers la prise de vue parfaite, souvent avant même que le moment ne se produise, ce qui me permet de capturer systématiquement l’émotion et l’intensité qui définissent une performance.
6. Comment les orchestres peuvent-ils être de bons clients pour toi et d’autres photographes?
Tam : Pour obtenir les meilleurs résultats, il est important de commencer par une communication claire. J’ai besoin des détails habituels : où, quoi, qui et quand. Mais il est également utile de connaître les prises de vue spécifiques que l’orchestre recherche. Par exemple, si un orchestre a un nouveau chef ou une nouvelle cheffe, je peux me concentrer davantage sur la capture de sa présence. Si des photos sont nécessaires dans les 24 heures pour les réseaux sociaux ou les communiqués de presse, c’est quelque chose que je peux aussi accommoder.
Plus il y a d’informations fournies à l’avance, mieux je peux adapter la prise de vue aux besoins de mes clients. Il est également utile de discuter à l’avance de toute demande spéciale ou de tout défi potentiel. Peut-être que certaines sections ont besoin de plus d’attention que d’autres. Peut-être que le chef d’orchestre préfère un certain côté. Une communication ouverte permet non seulement de s’assurer que nous sommes sur la même longueur d’onde, mais aussi de maximiser l’impact des photos que nous créons ensemble.
Bien sûr, en cas d’incertitude, il suffit aussi de m’indiquer la date, l’heure et le lieu, et je m’occupe du reste.
7. De ton point de vue, en plus des photos de concert/de l’orchestre et du.de la chef.fe d’orchestre, qu’est-ce que les responsables marketing devraient demander à un.e photographe lorsqu’ils l’engagent?
Tam : En plus des photos habituelles du concert et du chef d’orchestre, je suggère toujours d’obtenir des photos des coulisses. Capturer ces moments où les musicien.ne.s s’échauffent, discutent ou se détendent simplement ajoute une touche personnelle qui résonne vraiment avec le public. Ces photos sont parfaites pour les sites Web, les réseaux sociaux et les présentations, car elles donnent aux gens un aperçu de la vie de l’orchestre. Bien sûr, cela peut ajouter une heure supplémentaire au tournage, mais si nous le faisons le jour du concert, c’est plus efficace et cela peut permettre d’économiser sur les coûts.
En plus, cela fournit à tes musicien.ne.s du contenu qu’ils peuvent fièrement partager sur leurs réseaux sociaux, ce qui augmente la portée de ton orchestre de manière organique. Cela favorise également le sentiment d’appartenance à l’orchestre.
D’autres prises de vue qui amélioreront l’histoire que tu racontes sur tes concerts sont des prises de vue qui mettent en valeur ton public avant, pendant et après le concert.
8. Comment fais-tu pour que tes photos soient intéressantes et uniques pour chaque orchestre/concert alors que les conditions d’éclairage sont souvent très similaires dans les salles de concert et que tous les musiciens sont habillés de la même façon?
Tam : L’année dernière, j’ai photographié une trentaine de concerts à la Maison symphonique. L’éclairage était à peu près le même à chaque fois, et bien sûr, tous les musicien.ne.s étaient vêtus de leur noir habituel. Alors, comment faire pour que les prises de vue restent intéressantes lorsque la configuration ne change pas beaucoup? L’astuce n’est pas dans le quoi – tu pourrais le voir comme un groupe de personnes sur scène avec leurs instruments pendant que le.la chef.fe d’orchestre agite les bras. C’est le comment – comment les individus s’unissent pour créer quelque chose de spécial.
En tant que photographe, tu dois être pleinement présent. Écoute la musique et observe attentivement le spectacle. Concentre-toi sur l’isolement des individus, des sections et du.de la chef.fe d’orchestre. Fais attention à leurs mouvements et à leurs tendances. Ensuite, capture les moments où l’énergie se transforme et où la magie opère. C’est là que tu trouveras quelque chose d’unique à chaque fois, même si tout le reste reste inchangé.
9. Quelles sont les trois choses que les orchestres peuvent faire pour que leurs photos de concert se distinguent instantanément?
Tam : Voici trois choses que tu peux faire pour que tes photos de concert se démarquent vraiment :
- Joue avec l’éclairage : L’éclairage peut complètement changer l’atmosphère de tes photos. Prends l’exemple de l’Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes à la Maison Symphonique – lors de certains concerts, ils ajoutent des lumières supplémentaires en arrière-plan, créant des motifs et des couleurs qui correspondent à la musique. Le simple fait de modifier un peu l’éclairage peut faire une énorme différence dans la façon dont ton concert est capturé.
- Ajoute des éléments uniques : Faire quelque chose d’inattendu peut faire ressortir tes photos. Par exemple, j’ai vu l’Ensemble Caprice demander à ses chanteurs de la première rangée de lancer des roses dans le public à la fin d’un morceau – cela a donné des photos étonnantes et dynamiques. L’Orchestre Classique de Montréal a fait appel à des danseurs de tango lors d’une représentation de Piazzolla, ce qui a ajouté du mouvement, de l’énergie et de la passion, ce qui s’est vraiment reflété dans les photos.
- Choisis un thème de couleur ou un détail particulier : Même de petites touches visuelles peuvent permettre à ton orchestre de se démarquer. L’Ensemble Art Choral a demandé à tout le monde de porter un accent rouge pour un concert intitulé « Une soirée viennoise », ce qui a donné un effet saisissant sur scène.
Cela n’a pas besoin d’être compliqué. Les musicien.ne.s étant généralement vêtus de noir et assis sans bouger sur scène, même le plus petit détail peut permettre à ton orchestre de se démarquer visuellement.
10. Qu’est-ce que les orchestres peuvent attendre de toi lorsqu’ils travaillent avec toi?
Tam : Tout ce que j’ai mentionné sur le fait d’être musicien, professionnel, humain, artiste et adaptable entre en jeu lorsque tu travailles avec moi. Je m’engage à apporter toutes ces qualités dans notre collaboration pour m’assurer que tu obtiennes les meilleurs résultats.
En ce qui concerne les livrables, si nous tournons pendant un bloc de deux heures, tu peux t’attendre à environ 40 à 60 bien belles photos dans un délai d’une semaine. Moyennant un supplément, je peux aussi faire une sélection de 5 à 10 photos pour les réseaux sociaux le lendemain.
Mon objectif est d’aider à rendre la musique classique accessible au plus grand nombre, et une grande partie de cela consiste à contribuer à l’image qu’un orchestre présente. C’est pourquoi je propose différents forfaits pour répondre à différents besoins. Par exemple, je peux faire une séance d’une heure avec un nombre déterminé de photos éditées si cela correspond au budget. Je peux également proposer des rabais lorsque je suis engagée pour une saison entière, afin de rendre la chose plus abordable. Je comprends tout à fait que les budgets des orchestres peuvent varier énormément, qu’il s’agisse de grandes institutions ou de groupes dirigés par des bénévoles.
Pour en savoir plus sur Tam Lan Truong, clique ici : https://www.tamphotography.net/
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A propos de Tam Lan Truong
Diplômé de la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, parlant couramment l’anglais, le français, le vietnamien et l’allemand, ma carrière de photographe professionnel et d’artiste est façonnée par une perspective globale et une véritable passion pour la musique classique. Cette passion est enracinée dans un héritage familial de cinéastes et de photographes, ce qui me pousse à capturer des moments qui racontent une histoire significative.
Au cours des neuf dernières années, j’ai développé une forte présence sur la scène de la musique classique à Montréal, gagnant la confiance de clients tels que le Concours Musical International de Montréal, l’Orchestre Classique de Montréal, l’Opéra de Montréal, l’École de musique Schulich et GFN Productions. J’ai eu le privilège de raconter visuellement leurs moments les plus importants. Mon travail a été présenté dans des publications respectées telles que The Strad et CBC, reflétant l’impact et la portée de ma photographie.
J’ai eu l’occasion de collaborer avec des artistes de renommée internationale comme Maria Dueñas, Yannick Nézet-Séguin, Lang Lang et Michael Bublé, mais ce ne sont là que quelques-uns des points saillants de la gamme diversifiée de projets auxquels j’ai eu la chance de participer, tant à Montréal qu’à l’extérieur.
Ma formation de musicien classique enrichit mon approche artistique et approfondit mon lien avec la musique et ses interprètes, ce qui me permet de capturer des moments avec authenticité et sensibilité. Ce mélange de musique et de photographie n’est pas seulement ma profession ; c’est une passion qui me pousse à créer des images qui célèbrent l’héritage et la beauté de la musique classique.