Mémoire présenté au Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2020


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Le mémoire au complet se trouve ici.

Recommandations d’Orchestras Canada/Orchestres Canada :
  1. Veiller à ce que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif aient accès, autant que les secteurs des PME et des MUSH, aux programmes fédéraux qui appuient la recherche et les projets et démarches d’éducation factuels visant la réduction des émissions de carbone.
  2. Veiller à ce que l’investissement sur cinq ans de 180 millions de dollars dans le Conseil des arts du Canada, annoncé dans le budget de 2016, soit entièrement réalisé dans le budget de 2020-2021.
  3. Augmenter le budget de la composante Incitatifs aux fonds de dotation du Fonds du Canada pour l’investissement en culture de 6, 5 millions de dollars par année pour aider les organismes artistiques et culturels à recueillir des fonds auprès du secteur privé et à réaliser des recettes à long terme stables grâce à la croissance de leurs fonds de dotation.
  4. Investir 500 000 $ de plus par année dans les stages et la formation en cours d’emploi des gestionnaires d’organismes artistiques afin d’assurer la planification de la relève et la diversification du secteur.
Préambule

Au nom de ses 125 orchestres membres de toutes les régions du Canada, des publics qu’ils rallient et des collectivités diversifiées qu’ils desservent, Orchestras Canada/Orchestres Canada (OC) se réjouit de pouvoir contribuer aux consultations prébudgétaires du Comité permanent des finances.

À OC, nous croyons que les orchestres contribuent grandement à la qualité de vie des villes petites et grandes du Canada et participent activement aux commémorations communautaires, en plus d’être des partenaires vigoureux du développement culturel et éducatif des collectivités et de fiers porte-étendards des réalisations canadiennes aux échelles locale, nationale et internationale.

Les orchestres canadiens sont des organismes sans but lucratif et des organismes de charité enregistrés. Les données recueillies par Orchestres Canada révèlent qu’en 2017-2018, ils ont présenté 3 718 concerts devant 2,894 millions de Canadiens. Durant cette même saison, les revenus de nos membres sont venus de la vente de billets et d’autres recettes gagnées (en moyenne 36,2 % des recettes); de dons, de commandites et d’événements spéciaux (38,8 %); ainsi que de subventions et contributions de divers paliers de gouvernement (25 %). Les orchestres consacrent en général plus de 70 % de leur budget à l’effectif. Ils gèrent leurs ressources avec prudence, mais, faute d’une actualisation suffisante, ils peuvent être profondément touchés par la conjoncture économique.

Les orchestres font une contribution significative à la vitalité, la cohésion et la compétitivité des collectivités canadiennes, à la capacité de ces dernières et des entreprises d’attirer et de conserver des talents, à la création et au maintien de bons emplois, ainsi qu’à la qualité de vie des Canadiens. Ils figurent parmi les facteurs clés qui font du Canada un pays où il fait si bon vivre et exploiter une entreprise. L’exportation du travail des orchestres canadiens – sous forme de tournées internationales, de la diffusion numérique d’enregistrements et de la diffusion continue en direct – projette une image moderne du Canada, met en valeur le talent de nos artistes, appuie des approches novatrices, tire parti de la créativité associée au progrès technologique et contribue à la diplomatie culturelle du Canada.

Par conséquent, tout en reconnaissant l’importance de l’investissement public dans les orchestres, nous préconisons également des politiques qui encouragent des communautés attrayantes, durables et participatives, ainsi que la croissance et la durabilité du secteur caritatif. En plus d’être bonnes pour les orchestres, les quatre mesures que nous proposons cette année contribueront au tissu culturel et économique de nos collectivités.

Recommandation 1 – Réponses collectives à l’urgence climatique

Cette année, le comité sollicite tout particulièrement des recommandations qui touchent à l’urgence climatique et la transition à une économique à faibles émissions de carbone. OC et ses membres savent que le changement climatique constitue une grave menace pour notre économie, nos collectivités et notre avenir, et c’est pourquoi nous abordons cet enjeu dans notre mémoire.

Les orchestres canadiens se livrent de plus en plus à des démarches de réduction des émissions de carbone, notamment par :

  • L’intendance (exploitation ou location) à l’égard des espaces de spectacle, de répétition et d’administration, souvent dans des édifices transformés ou patrimoniaux;
  • L’utilisation de pratiques d’exploitation qui priorisent la consommation d’énergie et la réduction du gaspillage, ainsi que l’utilisation stratégique de documents numériques plutôt que papier;
  • L’incitation donnée aux membres du public pour qu’ils envisagent différentes options en matière de transport;
  • Une planification judicieuse des tournées de façon à minimiser l’empreinte carbone; L’Earth Day Network a compilé une liste d’œuvres orchestrales inspirées des enjeux climatiques qui inclut Arctic Symphony du compositeur canadien Vincent Ho, composée pour le Winnipeg Symphony Orchestra.

Aussi importantes qu’elles soient, ces mesures représentent des réponses extrêmement locales et isolées à une préoccupation mondiale. Pour se livrer pleinement à la tâche sur ce plan, les orchestres canadiens, ainsi que leurs partenaires du milieu des arts de la scène des secteurs à but lucratif et sans but lucratif, doivent avoir accès aux mêmes cadres d’action, recherches et mécanismes de partage des connaissances et de soutien que les secteurs des petites et moyennes entreprises (PME) et des municipalités, universités, conseils scolaires et hôpitaux (MUSH). La durabilité écologique et la transition à une économie à faibles émissions de carbone doivent constituer un mouvement plutôt que simplement une action; cela commence par la recherche et l’éducation et aboutit à une action collective et informée.

Orchestres Canada trouve son inspiration au Royaume-Uni, où des recherches sur mesure au sujet de l’empreinte carbone du secteur des arts de la scène ont jeté des lumières sur les émissions de gaz à effet de serre associées aux salles de concert, aux tournées et aux déplacements du public, entre autres facteurs contributifs. Cette base de faits solide a incité les bailleurs de fonds, les organismes associatifs et les orchestres à prendre des mesures collectives et concrètes visant à opérer un changement durable. Le secteur orchestral britannique a créé une « charte verte » (Green Charter) ; les organismes artistiques ont cerné et mesuré leurs principaux impacts environnementaux (énergie, eau, déchets, déplacements); le secteur a commencé à créer une demande de produits défendables sur le plan environnemental et à s’engager à faire des achats respectueux de l’environnement; les groupes en tournée ont inclus un « avenant vert » dans leurs contrats de spectacle, ont fait des efforts soutenus pour « voyager vert » (notamment en prenant les transports en commun si possible, y compris en tournée) et ont collaboré avec les gestionnaires des salles de spectacles et les organismes de transport en commun afin qu’il soit plus facile pour les membres du public de se rendre aux concerts en transport en commun, vélo ou voiture électrique.

Les orchestres canadiens veulent faire leur part et collaboreront avec les autres organismes du secteur de la musique en concert pour partager des pratiques exemplaires et, le cas échéant, participer à un dialogue avec le gouvernement du Canada. Il leur serait beaucoup plus facile de déployer ces efforts si les organismes de bienfaisance et sans but lucratif avaient autant accès que les secteurs des PME et des MUSH aux programmes fédéraux qui appuient la recherche et les projets et démarches d’éducation factuels visant la réduction des émissions de carbone.

Recommandation 2 – Appui des arts par l’intermédiaire du Conseil des arts

Dans le budget de 2016, le gouvernement du Canada s’est engagé à doubler en cinq ans les fonds destinés aux arts par l’entremise du Conseil des arts en faisant passer les crédits parlementaires annuels du Conseil de 181 millions de dollars en 2015-2016 à 361 millions de dollars d’ici 2020-2021. Nous remercions le gouvernement du Canada de cet investissement et nous l’encourageons à respecter pleinement cet engagement et à inclure le dernier versement de 35 millions dans le budget de 2020-2021.

En 2017-2018, les fonds venant du Conseil des arts ont représenté à peine 5,9 % des recettes totales des orchestres, et ce pourcentage était en baisse depuis cinq ans. Avec la nouvelle injection de fonds du Conseil, la tendance commence à changer. Un accroissement des fonds de base provenant du Conseil permettra une meilleure planification, un usage plus efficient des ressources et une résilience accrue. Cela favorisera en retour un investissement plus généreux dans le potentiel humain et des réponses plus vigoureuses à la nature diversifiée et en évolution des collectivités canadiennes. Les artistes et les organismes artistiques des collectivités canadiennes commencent à peine à profiter de cet investissement accru; ils l’utilisent pour créer des œuvres nouvelles, des marchés nouveaux et une prospérité nouvelle.

Recommandation 3 – Accroissement de l’investissement dans les fonds de contrepartie pour les fonds de dotation

Comme prochaine étape dans les mises à jour récentes des lignes directrices au sujet de la composante Incitatifs aux fonds de dotation du Fonds du Canada pour l’investissement en culture du ministère du Patrimoine canadien, nous encourageons le gouvernement du Canada à augmenter de 6,5 millions de dollars par année le budget de cette composante.

Les orchestres continuent à chercher des moyens de stabiliser et de diversifier leurs recettes; or les fonds de dotation (qui sont accordés afin d’avoir un impact à long terme et investis à perpétuité, et qui produisent un rendement annuel visant à appuyer la mission de l’organisme) constituent pour eux un outil de plus en plus important. En 2005-2006, OC a commencé à recueillir des renseignements sur les fonds de dotation détenus ou gérés par les orchestres canadiens; depuis cette date, les portefeuilles de fonds de dotation des orchestres sont passés d’un peu plus de 74 millions de dollars à près de 260 millions. Les dividendes annuels de ces fonds sont de l’ordre de 12,3 millions de dollars, soit presque autant que la contribution totale du Conseil des arts aux orchestres canadiens. Le produit des fonds de dotation est indispensable à l’exécution des programmes artistiques et communautaires de ces derniers.

Depuis 2001, le ministère du Patrimoine canadien appuie l’accroissement des fonds de dotation des organismes artistiques grâce à une composante du Fonds du Canada pour l’investissement en culture. Chaque année, ces derniers peuvent demander, au moyen de la composante Incitatifs aux fonds de dotation, une contribution pouvant atteindre jusqu’à 100 % du montant des dons faits à leurs fonds de dotation, et nombre d’orchestres, petits et grands, ont eu recours à ce programme. Celui-ci a eu beaucoup de succès : les demandes soumises dans le cadre du programme augmentent et, ces dernières années, il a été de plus en plus difficile de verser les fonds de contrepartie. L’injection d’une somme additionnelle de 6,5 millions de dollars par année dans le programme Incitatifs aux fonds de dotation permettrait de faire face à l’accroissement de la demande que ce programme connaît. Ces bonifications aideraient aussi les organismes artistiques de toutes les tailles à continuer à renforcer leurs fonds de dotation en encourageant les donateurs à voir à long terme.

Il s’agit d’un investissement dans l’avenir : une politique fiscale judicieuse et des programmes progressifs peuvent encourager les Canadiens à donner davantage, et les orchestres canadiens tiennent à attirer des fonds du secteur privé. Rappelons qu’en 2017-2018, les recettes des orchestres canadiens sont venues, dans une proportion remarquable de 38,8 %, d’activités de collecte de fonds à caractère caritatif, ainsi que de démarches auprès des entreprises et d’événements spéciaux. Une analyse récente du Conseil des arts révèle qu’entre 2010-2011 et 2016-2017, les orchestres canadiens ont enregistré une hausse de 34,4 % au chapitre des dons du secteur privé. Si cette recommandation est mise en œuvre, les organismes artistiques et culturels, toutes tailles confondues, augmenteront leurs fonds de dotation, ce qui aura pour effet de diversifier leurs sources de recettes. Résultat? Des organismes artistiques encore plus dynamiques sur le plan artistique, centrés sur les préoccupations communautaires et adaptables dans une économie en transition.

Recommandation 4 – Accroissement de l’investissement dans les stages et la formation des jeunes

Notre secteur est constamment appelé à prévoir les changements dans les communautés et à élaborer des stratégies pour adapter nos modèles de gestion actuels. Nous savons que la viabilité continue des orchestres passe fondamentalement par un investissement dans la formation de l’effectif et la création de débouchés pour les talents émergents dans les domaines artistiques, autant que dans ceux de la gestion et de l’administration. Mais les pressions financières incessantes ont exigé une restructuration de l’effectif administratif dans les orchestres canadiens : d’après une étude récente du Conseil des arts, 47 des grands orchestres canadiens signalent une baisse de 11,4 % du nombre de leurs postes à temps plein entre 2010-2011 et 2016-2017, tandis qu’au cours de la même période, la proportion de postes saisonniers et à court terme est passée de 29 % à 50 % de l’effectif. Ces changements reflètent le souci des orchestres d’améliorer l’efficience de leurs opérations; toutefois, ils risquent, tout à fait par mégarde, de restreindre les possibilités d’effectuer un transfert utile, intergénérationnel et réciproque de connaissances et une planification réfléchie de la relève.

Les orchestres canadiens continuent à souligner l’importance critique d’avoir un effectif bien formé, à jour et diversifié. On considère souvent qu’une personne qui occupe un emploi auprès d’un organisme artistique canadien le fait purement par amour, plutôt que pour poursuivre une carrière viable. Rappelons toutefois que le secteur culturel fait une contribution de 53,1 milliards de dollars au PIB national. Cela est particulièrement le cas pour les jeunes Canadiens qui veulent entamer leur carrière sur le marché du travail précaire qui existe actuellement. À l’heure actuelle, il n’y a pas beaucoup de moyens de prendre pied dans le secteur culturel. Ces dernières années, le programme Jeunesse Canada au travail / Conseil des ressources humaines du secteur culturel a disposé d’un budget de 226 000 $ pour appuyer partiellement seulement 20 placements payés en administration des arts par année. Vu l’urgence de faciliter la planification de la relève, le mentorat et le transfert de connaissances, il faut faire mieux.

Nous exhortons donc le gouvernement du Canada à élargir le programme Jeunesse Canada au travail dans le domaine de l’administration des arts et des activités culturelles. Un accroissement de l’investissement dans ce programme de 500 000 $ par année (s’ajoutant au montant actuel de 226 000 $) permettrait aux jeunes travailleurs émergents dans le secteur des arts et de la culture d’acquérir une expérience précieuse auprès d’organismes artistiques et à ces derniers de renforcer leurs bassins de compétences.

Conclusion

Orchestres Canada remercie le Comité permanent des finances de l’occasion qu’il lui a donnée de contribuer aux consultations prébudgétaires de 2020. Nous serions ravis de discuter plus en profondeur de nos recommandations avec vous.